Utilisateur:Sergio1006/Abbaye de Leffe

Citation de Pierre Bergeron à la suite d'un voyage dans les Provinces-Unies en 1619 modifier

« Vers l'an 1462, une grande tention naquit entre (les habitants) de Liège et leur évêque, Louis de Bourgogne, neveu du duc. La guerre éclata, Dinant se montrant la plus rebelle. Quelque paix et accord qu'il y eut, les Dinantais revenaient toujours à leur naturel réfractaire et superbe jusqu'à proférer mille sortes d'injures et provocations contre le duc de Bourgogne assisté par son neveu. En conséquence, le duc Philippe et son neveu Charles, dit le Téméraire, tout irrités, assiégèrent Dinant, la prirent et rasèrent tout. Tous les habitants furent tués ou mis en fuite. Le butin fut inestimable car cette ville était fort riche en raison de son trafic. Le luxe y était fort grand ce qui les avait sans doute incités à tant d'insolence tenant leur ville pour immortelle, ayant été souvent assiégée sans jamais avoir été prise. Par dérision, ils avaient fait du duc une figure à la ressemblance de son fils puis l'avaient portée vers Bouvignes où ils la pendirent à un gibet dressé là pour cet usage déclarant: « Voilà la figure du fils de votre prince, ce perfide et traitre comte de Charolais que le roi de France a fait pendre ». Puis ils ajoutèrent, pour plus grande humiliation, que cette figure n'était que celle du fils du duc, bâtard et autres semblables opprobres tant contre le duc lui-même que contre sa femme qui était une très honnête et vertueuse princesse… Le prince Charles mena contre eux 30000 hommes et même le pape les admonesta pour s'être rebellés contre leur évêque. Mais eux contraignaient leurs prêtres à officier et précipitaient dans le fleuve ceux qui refusaient. Mais ils furent bien punis de toutes ces fautes lorsque le prince s'empara de leur cité. Le pillage dura trois jours et les plus injurieux parmi les révoltés furent punis à mort. Le duc cependant prit l'honneur de sauver les femmes en défendant expressément de les forcer et de les violer. Trois soldats ayant été convaincus de ces outrages furent pendus sur le champ. Tous les prêtres, femmes et enfants furent envoyés à Liège qui s'était aussi révoltée et fut traitée de la même manière. »

  • Voyage de P. Bergeron ès Ardennes, Liège et Pays-Bas en 1619, Pierre Bergeron, éd. H. Michelant, Société des Bibliophiles liégeois, Liège, 1875, p. 1


Citation de Pierre Bergeron voyageant en 1619 en compagnie de Monsieur et Madame de Blérancourt modifier

« Au bout du faubourg de la ville, allant vers Liège, se situe l'abbaye de Leffe, de l'Ordre de Prémontré, sous la filiation de l'Abbé de Floreffe… L'église semble être un bâtiment fort ancien et il y a aussi un, assez beau logis pour l'Abbé et ses religieux. Dans la cour abbatiale, une fort belle fontaine d'eau claire verse l'eau à travers divers tuyaux artificiels. Mais je ne puis honnêtement oublier comment l'Abbé nous fit un fort beau festin parce que Monsieur l’Abbé de l'abbaye Saint-Martin de Laon nous accompagnait, Monsieur et Madame de Blérancourt et moi, depuis que nous avions quitté cette ville. Quelques personnes de Dinant furent conviées à ce festin où «il fut assez largement bu». Entre autres, le Bourgmestre de Dinant qui, non content d'en avoir pris une bonne part, voulut encore suivant l'honnête et courtoise coutume des lieux attaquer avec le verre plein les sieur et dame. S'en étant excusés doucement à la française et cherchant avec dextérité d'esquiver cette importunité, ils s'avisèrent de la refuser et de la rejeter sur moi gaiement, pensant que je pourrais plus aisément en échapper de ce gentil bourgmestre qui, comme un dogue acharné sur sa proie, grondait encore du refus qui lui avait été fait. Pour mon malheur, j'étais coincé au bout de la table et je ne pouvais sortir aisément. Voyant que je refusais également, le plus honnêtement et doucement possible, il commença à s'approcher de plus en plus près de moi me mettant sous le nez le verre plein avec un regard furieux et une parole enrouée, entrecoupée, me lâchant quelques vapeurs bacchiques particulièrement odoriférantes. Ce contraste dura quelque temps entre le oui et le non tant il semblait vouloir en venir à de dangereuses violences et moi, non sans quelque appréhension, de le voir armé d'un grand poignard « sur les rognons »… Sur quoi, de bonne fortune, la compagnie se leva et chacun prit congé. Je me sauvai sans dire un mot pour échapper au danger d'une mauvaise digestion. De là, nous allâmes reprendre notre barque pour poursuivre notre route mais je vous assure que notre vénérable magistrat nous accompagna jusqu'au bord de l'eau en me regardant de travers. Sans m'amuser de lui faire aucun compliment ni adieu, je me retirai bien vite de sa vue et de sa furie sans quoi, avec tout le respect pour le seigneur et la dame que j'accompagnais, je me serais porté à un mauvais parti. Ceci montre les inconvénients auxquels on est sujet en festoyant avec ces Liégeois qui, ayant le vin en tête, ne se soucient pas plus de donner un coup de dague ou de couteau à un homme que d'avaler un verre de vin. Pour moi, je peux bien conter cette histoire, ne m'étant jamais vu en telle peine en tous mes nombreux voyages que je fis en Allemagne et dans les Pays-Bas. »

Référence Voyage de P. Bergeron ès Ardennes, Liège et Pays-Bas en 1619, édité par H. Michelant, Société des Bibliophiles liégeois, Liège, 1875.