Yvan Audouard

écrivain français

Yvan Audouard (1914-2004) est un journaliste et écrivain français. Plus précisément, il est un écrivain Provençal (Arlésien et Fontvieillois de cœur) d'expression française, auteur de romans, romans policiers, contes, pamphlets, biographies, documentaires... Pour le cinéma, il a également été scénariste, adaptateur et dialoguiste.

L’écrivain et éditeur Antoine Audouard est son fils.

Le Vertueux a tous les vices, 1965

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L’évidence, c’est la seule chose qu’on puisse et même qu’on doive nier. Quand il y a doute, il y a possibilité de discussion ; mais quand il n’y a pas moyen de discuter, la seule chose qu’il vous reste à faire c’est de nier.
  • Le Vertueux a tous les vices, Yvan Audouard, éd. Plon, 1965, chap. I, p. 6-7


Moi, un homme capable de tenir tête à un carré d’as avec une paire de sept, de l’air indifférent de celui qui a touché une quinte flush d’entrée, je me trouvais devant cette gosse transparent et désarmé.
  • Le Vertueux a tous les vices, Yvan Audouard, éd. Plon, 1965, chap. II, p. 46


Un quart de sourire chez deux Corses obligés de travailler tous les jours de minuit à six heures du matin pour nourrir des épouses tout juste aimables, cela vaut une accolade dans les pays du Nord.
  • Le Vertueux a tous les vices, Yvan Audouard, éd. Plon, 1965, chap. III, p. 62


« La philosophie, elle guérit uniquement les malheurs passés et les malheurs à venir ; mais, pour les malheurs présents, tu te démerdes comme tu peux. »
  • Reformulation par Antoine le Vertueux d’une phrase lue dans un livre dont il a oublié le titre.
  • Le Vertueux a tous les vices, Yvan Audouard, éd. Plon, 1965, chap. IX, p. 189


N’est pas la dernière des ordures qui veut ! Essayez, pour voir ! Vous verrez. Il y a de la concurrence.
  • Le Vertueux a tous les vices, Yvan Audouard, éd. Plon, 1965, chap. IX, p. 208


La connerie n’est plus ce qu’elle était, 1993

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Le débile mental, l’idiot peuvent être décelés au premier coup d’œil par le spécialiste. Rien ne permet en revanche de reconnaître le con à sa seule apparence.
  • La connerie n’est plus ce qu’elle était, Yvan Audouard, éd. Plon, 1993  (ISBN 2-259-02641-9), partie I. Essai sur les données immédiates de la connerie, chap. II. De la connerie en tant que telle, p. 27


Le con définitif [est] celui qui puise sa suffisance dans le réservoir infini de ses insuffisances.
  • La connerie n’est plus ce qu’elle était, Yvan Audouard, éd. Plon, 1993  (ISBN 2-259-02641-9), partie I. Essai sur les données immédiates de la connerie, chap. II. De la connerie en tant que telle, p. 30


Quand le peuple ne croit plus à rien on peut lui faire croire n’importe quoi.
  • La connerie n’est plus ce qu’elle était, Yvan Audouard, éd. Plon, 1993  (ISBN 2-259-02641-9), Petit pense-bête à l’usage de ceux qui persistent à ne pas vouloir devenir cons, p. 176


Ma Provence : romans et contes, 1993

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Il n'y a rien de plus difficile à convaincre qu'un fada, surtout provençal. Il croit à la réalité des mirages puisqu'il en est entouré, mais il est impossible de lui faire prendre une vessie pour une lanterne.
  • Ma Provence : romans et contes, Yvan Audouard, éd. Plon, coll. « Omnibus », 1993  (ISBN 2-259-00263-3), chap. Un accident incompréhensible, Les Contes de ma Provence I, p. 73


Tout ce qui vient du sud demeure toutefois suspect d'affabulation, et devient aussitôt « histoire marseillaise ». Pourtant il est bien moins aisé de mentir en Provence que partout ailleurs. En fait, nous ne pratiquons que la galéjade. C'est un mot intraduisible en langue d'oïl et qui nous a fait du tort, faute d'être compris. Il s'agit en fait d'une convention de bonne compagnie, un jeu subtil qui consiste à rapporter un événement à la limite de la crédibilité. (Rien d'ailleurs ne l'empêche d'être vrai, et c'est précisément ce qui fait l'intérêt du jeu.) Celui qui vous écoute fera de toute façon semblant de vous croire. Ce qui lui permettra de renchérir avec une autre histoire encore plus incroyable dont, par simple courtoisie, vous feindrez à votre tour d'admettre la véracité.
Dans cette joute, personne n'est dupe.
On ne s'affronte que pour le plaisir.
Quand nous galéjons entre nous bien entendu, car avec les « étrangers » la galéjade est une manière d'examen de passage qui nous permet de mesurer le degré de crédulité d'un partenaire de hasard avec lequel nous ne nous sommes jamais affrontés.
  • Ma Provence : romans et contes, Yvan Audouard, éd. Plon, coll. « Omnibus », 1993  (ISBN 2-259-00263-3), chap. Un accident incompréhensible, Les Contes de ma Provence I, p. 73 et 74


« Estrambord » et « galéjade », deux mots intraduisibles. Ils expriment la forme particulière de l'humour provençal. Il est plus démonstratif que l'anglo-saxon mais tout aussi cruel. Davantage peut-être car il met la jovialité au service de la « politesse du désespoir ».
  • Ma Provence : romans et contes, Yvan Audouard, éd. Plon, coll. « Omnibus », 1993  (ISBN 2-259-00263-3), chap. Introduction, Le cycle fontvieillois, p. 53


[En Provence] on sait de naissance qu'il faudra mourir un jour, et cela, disons les choses simplement, nous empoisonne l'existence. Alors nous nous étourdissons de notre propre vacarme pour ne pas entendre les battements d'ailes du temps qui s'envole inexorablement. Nous pratiquons « l'estrambord » et la « galéjade » pour essayer d'oublier cette angoisse essentielle.
Il faudra bien qu'on s'aperçoive un jour que la pudeur, la réserve, la discrétion, le goût du secret sont les qualités dominantes du Provençal. La Provence est avant tout un art de vivre en société. Une hypocrisie partagée. Une convention acceptée. Elle s'avance masquée et sa conduite doit sans cesse être décodée. Elle se raconte sans arrêt des histoires pour supporter les épreuves qui n'ont cessé de l'accabler. Elle soigne ses apparences pour ne pas avoir à montrer ses blessures. On la croit superficielle alors qu'elle est hantée par la mort. Il serait d'une rare impolitesse d'en parler en public. Mourir, à la rigueur, on pourrait s'y faire, mais quitter la vie est absolument insupportable.
Ici, la tragédie vécue porte le masque de la jovialité, l'indifférence se fait chaleureuse et le désespoir de bonne compagnie. Ce qui, paradoxalement, doit vous amener à découvrir que le théâtre de Marcel Pagnol où la parole est reine est en réalité le théâtre du silence. Du non-dit. Comme chez les classiques, l'essentiel se passe en coulisse. Comment pourrait-on vous le montrer puisqu'il est caché au fond des cœurs ? Le cas échéant, mais en cas d'urgence seulement, les Provençaux ont recours à la litote et, si un de vos amis vous dit incidemment :
― Tu devrais aller dire un petit bonjour à Félix ; ça lui ferait plaisir. Il n'a pas très bon moral...
Dépéchez-vous d'aller lui rendre visite. On a voulu vous faire comprendre qu'il était à l'article de la mort et que, si vous voulez le voir une dernière fois, il n'y a pas une seconde à perdre...
Il était donc fatal que chez Pagnol, comme chez Musset d'ailleurs, les bouffons tiennent le devant de la scène, tandis que Fanny meurt d'amour et que César étouffe de désespoir. Mais n'en laissent rien paraître.
  • Ma Provence : romans et contes, Yvan Audouard, éd. Plon, coll. « Omnibus », 1993  (ISBN 2-259-00263-3), Préface, p. p. 11 et 12


Finalement, la « galéjade » qui feint de ne rien prendre au sérieux est l'aveu d'une angoisse dissimulée derrière « l'estrambord » de nos gesticulations verbales. Le mystère de notre présence sur la terre s'en trouve renforcé.
  • Ma Provence : romans et contes, Yvan Audouard, éd. Plon, coll. « Omnibus », 1993  (ISBN 2-259-00263-3), chap. Introduction, Le cycle fontvieillois, p. 54


[Après avoir reçu un télégramme lui annonçant par erreur de transmission le décès brutal de son père, Euloge de Mouriès souhaite se venger de l'administration des Postes et Télécommunications qu'il estime responsable de cette erreur] — Ils me le paieront, se disait Euloge... On n'a pas le droit de causer de pareilles émotions à un homme, même dans la force de l'âge... [...] C'était avec l'Administration tout entière qu'il était fâché. Les années passaient et il continuait à ruminer sa vengeance. Euloge était un homme à l'imagination vive, mais il n'arrivait pas à trouver comment faire expier ceux qui lui avaient donné la plus grosse estoumagade de sa vie.
  • Ma Provence : romans et contes, Yvan Audouard, éd. Plon, coll. « Omnibus », 1993  (ISBN 2-259-00263-3), chap. La terrible vengeance d'Euloge de Mouriès, Le cycle fontvieillois : Les Contes de ma Provence [livre I], p. 98


En ce temps-là, les Saintes[-Maries-de-la-Mer] n'étaient pas ce Saint-Tropez du papier gras qu'il est devenu de nos jours. C'était vraiment le bout du monde et les hivers dans le vent, le sable et la solitude, « gatihouso » [maussades], y étaient plus longs que partout ailleurs.
  • Ma Provence : romans et contes, Yvan Audouard, éd. Plon, coll. « Omnibus », 1993  (ISBN 2-259-00263-3), chap. Où Sainte Sara apparaît en chair et en os au chef de gare inspiré des Saintes-Maries-de-la-mer, Le cycle fontvieillois : Les Contes de ma Provence [livre I], p. 115


[À propos d'un lièvre nommé Alfred poursuivi par tous les chasseurs et chiens de chasse de Camargue] : Alfred avait toujours eu peur. Sa vie n'avait été jusqu'ici qu'une longue trouille entremêlée de fuites éperdues dans la « sansouiro  ». Autant que vous le sachiez tout de suite, Alfred était lièvre de son état. [...] Des paris avaient été engagés et le seul point qui n'avait pas été précisé était somme toute secondaire. Il s'agissait de savoir s'il serait mangé en civet ou simplement grillé aux herbes. Avouez qu'il y a de quoi dévarier le moral. Alfred n'avait plus une seconde de tranquillité tant diurne que nocturne.
  • Ma Provence : romans et contes, Yvan Audouard, éd. Plon, coll. « Omnibus », 1993  (ISBN 2-259-00263-3), chap. Le Noël d'Alfred, Le cycle fontvieillois : Les Contes de ma Provence [livre I], p. 153


[Il s'agit ici du riche propriétaire belge d'un mas camarguais laissé, en toutes saisons, à la garde de Marie-Joseph qui, sans être vraiment « paresseux de nature », travaille peu : « puisque quoiqu'on fasse, on est destiné, dans l’agriculture, à mourir ruiné, autant en faire le moins possible »] : En tout cas, quand il [le propriétaire] venait en Camargue, il était si heureux d'y être qu'il négligeait de poser des questions et de s'enquérir de la marche du mas. Il se contentait de regarder les cristaux de soleil s'éparpiller sur les roseaux agités par la largado et de soupirer :

— C'est ici que je voudrais vivre ! C'est ici que je voudrais mourir !

Et, en somme, l'état de sauvagerie naturelle dans lequel le brave Marie-Joseph maintenait systématiquement son mas, ne pouvait que l'enchanter. Deux heures de « sansouiro  » suffisaient à lui redonner l'âme d'un demi-dieu.
  • Ma Provence : romans et contes, Yvan Audouard, éd. Plon, coll. « Omnibus », 1993  (ISBN 2-259-00263-3), chap. Depuis le temps que vous l'avez demandé..., Le cycle fontvieillois : Les Contes de ma Provence [livre I], p. 145


[Ici, les deux protagonistes — dont l'auteur — se sont perdus, de nuit, en Camargue, à la recherche d'un méchoui nocturne où ils étaient conviés]  : La Camargue, à force de la parcourir dans tous les sens, je croyais commencer à la connaître. Navrante imprudence que la mienne. À deux heures du matin, nous errions toujours dans la « sansouiro  », narines au vent. Mais aucun effluve de viande grillée ne parvenait jusqu'à nous.
Nous nous étions « plantés  » et, abandonnant notre voiture « enfanguée  » jusqu'aux essieux, nous pataugions jusqu'aux genoux dans la bouillasse.
  • Ma Provence : romans et contes, Yvan Audouard, éd. Plon, coll. « Omnibus », 1993  (ISBN 2-259-00263-3), chap. Précieuse leçon, Le cycle fontvieillois : Les Nouveaux Contes de ma Provence [livre II], p. 185


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