Alexandre Grothendieck

mathématicien français

Alexandre (ou Alexander) Grothendieck (prononcé en allemand : [ˈɡroːtn̩diːk]) est un mathématicien français, né le 28 mars 1928 à Berlin et mort le 13 novembre 2014 à Saint-Lizier, près de Saint-Girons (Ariège).

Alexander Grothendieck, 1970.

Citations

modifier

Récoltes et semailles

modifier


[…] la passion d’amour est, elle aussi, pulsion de découverte. Elle nous ouvre à une connaissance dite « charnelle », qui elle aussi se renouvelle, s’épanouit, s’approfondit. Ces deux pulsions - celle qui anime le mathématicien au travail, disons, et celle en l’amante ou en l’amant - sont bien plus proches qu’on ne le soupçonne généralement, ou qu’on n’est disposé à se l’admettre.
  • Récoltes et semailles (I), Alexandre Grothendieck, éd. Gallimard, 2021  (ISBN 978-2-07-295912-7), chap. En guise d’avant propos, p. 11


[…] l'ambition la plus dévorante est impuissante à découvrir le moindre énoncé mathématique ou à le démontrer – tout comme elle est impuissante (par exemple) à « faire bander » (au sens propre du terme). Qu'on soit femme ou homme, ce qui « fait bander » n'est nullement l'ambition, le désir de briller, d'exhiber une puissance, sexuelle en l'occurrence – bien au contraire ! Mais la perception aiguë de quelque chose de fort, de très réel et de très délicat à la fois. On peut l'appeler « la beauté » et c'est là un des mille visages de cette chose-là.
  • Récoltes et semailles (I), Alexandre Grothendieck, éd. Gallimard, 2021  (ISBN 978-2-07-295912-7), chap. En guise d’avant propos, p. 11


Mais comme son nom même le suggère, un « point de vue » en lui-même reste parcellaire. Il nous révèle un des aspects d’un paysage ou d’un panorama, parmi une multiplicité d’autres également valables, également « réels ». C’est dans la mesure où se conjuguent les points de vue complémentaires d’une même réalité, où se multiplient nos « yeux », que le regard pénètre plus avant dans la connaissance des choses. Plus la réalité que nous désirons connaître est riche et complexe, et plus aussi il est important de disposer de plusieurs « yeux » pour l’appréhender dans toute son ampleur et dans toute sa finesse.
  • Point de vue et vision [P16].
  • Récoltes et semailles (I), Alexandre Grothendieck, éd. Gallimard, 2021  (ISBN 978-2-07-295912-7), chap. Promenade à travers une œuvre – ou l’enfant et la mère., p. 36


Nommer simplement l’idée, par quelque formule frappante, ou par quelques mots-clefs plus ou moins techniques, peut-être affaire de quelques lignes, voire quelques pages – mais rares seront ceux qui, sans déjà bien la connaître, sauront entendre ce « nom » et y reconnaître un visage. Et quand l’idée est arrivée en pleine maturité, cent pages peut-être suffiront à l’exprimer, à la pleine satisfaction de l’ouvrier en qui elle est née – comme il se peut aussi que dix milles pages, longuement travaillées et pesées, n’y suffiront pas.
  • La « grande idée » – ou les arbres et la foret [P20].
  • Récoltes et semailles (I), Alexandre Grothendieck, éd. Gallimard, 2021  (ISBN 978-2-07-295912-7), chap. Promenade à travers une œuvre – ou l’enfant et la mère., p. 40-41


Et toute science, quand nous l’entendons non comme un instrument de pouvoir et de domination, mais comme aventure de connaissance de notre espèce à travers les âges, n’est autre chose que cette harmonie, plus ou moins vaste et plus ou moins riche d’une époque à l'autre, qui se déploie au cours des générations et des siècles, par le délicat contrepoint de tous les thèmes apparus tour à tour, comme appelés du néant, pour se joindre en elle et s’y entrelacer.
  • La vision – ou douze thèmes pour une harmonie [P20].
  • Récoltes et semailles (I), Alexandre Grothendieck, éd. Gallimard, 2021  (ISBN 978-2-07-295912-7), chap. Promenade à travers une œuvre – ou l’enfant et la mère., p. 41-42


L’année 1955 marque un tournant crucial dans mon travail mathématique : celui du passage de l’« analyse » à la « géométrie ». Je me rappelle encore de cette impression saisissante (toute subjective certes), comme si je quittais des steppes arides et revêches, pour me retrouver soudain dans une sorte de « pays promis » aux richesses luxuriantes, se multipliant à l’infini partout où il plait à la main de se poser, pour cueillir ou pour fouiller…
  • Forme et structure – ou la voie des choses [P26].
  • Récoltes et semailles (I), Alexandre Grothendieck, éd. Gallimard, 2021  (ISBN 978-2-07-295912-7), chap. Promenade à travers une œuvre – ou l’enfant et la mère, p. 48-49


C’est dire que s’il y a une chose en mathématique qui (depuis toujours sans doute) me fascine plus que toute autre, ce n’est ni « le nombre », ni « la grandeur », mais toujours la forme. Et parmi les mille-et-un visages que choisit la forme pour se révéler à nous, celui qui m’a fasciné plus que tout autre et continue à me fasciner, c’est la structure cachée dans les choses mathématiques. La structure d’une chose n’est nullement une chose que nous puissions « inventer ». Nous pouvons seulement la mettre à jour patiemment, humblement en faire connaissance, la « découvrir ». S’il y a inventivité dans ce travail, et s’il nous arrive de faire œuvre de forgeron ou d’infatigable bâtisseur, ce n’est nullement pour « façonner », ou pour « bâtir », des « structures ». Celles-ci ne nous ont nullement attendues pour être, et pour être exactement ce qu’elles sont ! Mais c’est pour exprimer, le plus fidèlement que nous le pouvons, ces choses que nous sommes en train de découvrir et de sonder, et cette structure réticente à se livrer, que nous essayons à tâtons, et par un langage encore balbutiant peut-être, à cerner.
  • Forme et structure – ou la voie des choses [P27].
  • Récoltes et semailles (I), Alexandre Grothendieck, éd. Gallimard, 2021  (ISBN 978-2-07-295912-7), chap. Promenade à travers une œuvre – ou l’enfant et la mère, p. 49


Ce qui fait la qualité de l’inventivité et de l’imagination du chercheur, c’est la qualité de son attention, à l’écoute de la voix des choses. Car les choses de l’Univers ne se lassent jamais de parler d’elles-mêmes et de se révéler, à celui qui se soucie d’entendre. Et la maison la plus belle, celle en laquelle apparaît l’amour de l’ouvrier, n’est pas celle qui est plus grande ou plus haute que d’autres. La belle maison est celle qui reflète fidèlement la structure et la beauté cachées des choses.
  • Forme et structure – ou la voie des choses [P27-28].
  • Récoltes et semailles (I), Alexandre Grothendieck, éd. Gallimard, 2021  (ISBN 978-2-07-295912-7), chap. Promenade à travers une œuvre – ou l’enfant et la mère, p. 50


Dans notre connaissance des choses de l’Univers (qu’elles soient mathématiques ou autres), le pouvoir rénovateur en nous n’est autre que l’innocence. C’est l’innocence originelle que nous avons tous reçue en partage à notre naissance et qui repose en chacun de nous, objet souvent de notre mépris, et de nos peurs les plus secrètes. Elle seule unit l’humilité et la hardiesse qui nous font pénétrer au cœur des choses, et qui nous permettent de laisser les choses pénétrer en nous et de nous en imprégner.
  • L’éventail magique – ou l’innocence [P33].
  • Récoltes et semailles (I), Alexandre Grothendieck, éd. Gallimard, 2021  (ISBN 978-2-07-295912-7), chap. Promenade à travers une œuvre – ou l’enfant et la mère, p. 57


Dans le travail de découverte, cette attention intense, cette sollicitude ardente sont une force essentielle, tout comme la chaleur du soleil pour l’obscure gestation des semences enfouies dans la terre nourricière, et pour leur humble et miraculeuse éclosion à la lumière du jour.
  • À la découverte de la Mère – ou les deux versants [P49].
  • Récoltes et semailles (I), Alexandre Grothendieck, éd. Gallimard, 2021  (ISBN 978-2-07-295912-7), chap. Promenade à travers une œuvre – ou l’enfant et la mère, p. 77


Passer de la mécanique de Newton à celle d’Einstein doit être un peu, pour le mathématicien, comme de passer du bon vieux dialecte provençal à l’argot parisien dernier cri. Par contre, passer à la mécanique quantique, j’imagine, c’est passer du français au chinois.
  • Coup d’œil chez les voisins d’en face [P60].
  • Récoltes et semailles (I), Alexandre Grothendieck, éd. Gallimard, 2021  (ISBN 978-2-07-295912-7), chap. Promenade à travers une œuvre – ou l’enfant et la mère, p. 91


Il y a beaucoup de choses dans Récoltes et semailles, et les uns et les autres y verront sans doute beaucoup de choses différentes : un voyage à la découverte d’un passé ; une méditation sur l’existence ; un tableau de mœurs d’un milieu et d’une époque (ou le tableau du glissement insidieux et implacable d’une époque à une autre…) ; une enquête (quasiment policière par moments, et en d’autres frisant le roman de cape et d’épée dans les bas-fonds de la mégapolis mathématique…) ; une vaste divagation mathématique (qui en sèmera plus d’un…) ; un traité pratique de psychanalyse appliquée (ou, au choix, un livre de « psychanalyse-fiction ») ; un panégyrique de la connaissance de soi ; « Mes confessions » ; un journal intime ; une psychologie de la découverte et de la création ; un réquisitoire (impitoyable, comme il se doit…), voire un règlement de comptes dans « le beau monde mathématique » (et sans faire de cadeaux…). Ce qui est sûr, c’est qu’à aucun moment je ne me suis ennuyé en l’écrivant, alors que j’en ai appris et vu de toutes les couleurs. Si tes importantes tâches te laissent le loisir de le lire, ça m’étonnerait que tu t’ennuies en me lisant. À moins de te forcer, qui sait…
  • Naissance de Récoltes et semailles (une rétrospective-éclair) [L2-3].
  • Récoltes et semailles (I), Alexandre Grothendieck, éd. Gallimard, 2021  (ISBN 978-2-07-295912-7), chap. Une lettre, p. 99-100


La découverte est le privilège de l’enfant. C’est du petit enfant que je veux parler, l’enfant qui n’a pas peur encore de se tromper, d’avoir l’air idiot, de ne pas faire sérieux, de ne pas faire comme tout le monde. Il n’a pas peur non plus que les choses qu’il regarde aient le mauvais goût d’être différentes de ce qu’il attend d’elles, de ce qu’elles devaient être, ou plutôt : de ce qu’il est bien entendu qu’elles sont.
  • (1) L’enfant et le bon Dieu [1]
  • Récoltes et semailles (I), Alexandre Grothendieck, éd. Gallimard, 2021  (ISBN 978-2-07-295912-7), chap. I. Travail et découverte, p. 197-198


Quand je suis curieux d’une chose, mathématique ou autre, je l’interroge. Je l’interroge sans me soucier si ma question est peut-être stupide ou si elle va paraître telle, sans qu’elle soit à tout prix mûrement pesée. Souvent la question prend la forme d’une affirmation – une affirmation qui, en vérité, est un coup de sonde. J’y crois plus ou moins, à mon affirmation, ça dépend bien sûr du point où j’en suis dans la compréhension des choses que je suis en train de regarder. Souvent, surtout au début d’une recherche, l’affirmation est carrément fausse – encore fallait-il la faire pour pouvoir s’en convaincre. Souvent, il suffisait de l’écrire pour que ça saute aux yeux que c’est faux, alors qu’avant de l’écrire il y avait un flou, comme un malaise, au lieu de cette évidence.
  • (2) Erreur et découverte [3]
  • Récoltes et semailles (I), Alexandre Grothendieck, éd. Gallimard, 2021  (ISBN 978-2-07-295912-7), chap. Fatuité et renouvellement. I. Travail et découverte, p. 199-200


La découverte de l’erreur est un des moments cruciaux, un moment créateur entre tous, dans tout travail de découverte, qu’il s’agisse d’un travail mathématique, ou d’un travail de découverte de soi. C’est un moment où notre connaissance de la chose sondée soudain se renouvelle. Craindre l’erreur et craindre la vérité est une seule et même chose. Celui qui craint de se tromper est impuissant à découvrir. C’est quand nous craignons de nous tromper que l’erreur qui est en nous se fait immuable comme un roc.
  • (2) Erreur et découverte [4]
  • Récoltes et semailles (I), Alexandre Grothendieck, éd. Gallimard, 2021  (ISBN 978-2-07-295912-7), chap. Fatuité et renouvellement. I. Travail et découverte, p. 201


Au moment du travail, quand peu à peu une compréhension s’amorce, prend forme, s’approfondit ; quand dans une confusion peu à peu on voit apparaître un ordre, ou quand ce qui semblait familier soudain prend des aspects insolites, puis troublants, jusqu’à ce qu’une contradiction enfin éclate et bouleverse une vision des choses qui paraissait immuable – dans un tel travail, il n’y a trace d’ambition, ou de vanité. Ce qui mène alors la danse est quelque chose qui vient de beaucoup plus loin que le « moi » et sa fringale de s’agrandir sans cesse (fut-ce de « savoir » et de « connaissances ») – de beaucoup plus loin sûrement que notre personne ou même notre espèce.
  • (34) Le limon et la source [86].
  • Récoltes et semailles (I), Alexandre Grothendieck, éd. Gallimard, 2021  (ISBN 978-2-07-295912-7), chap. Fatuité et renouvellement. VI. Récoltes, p. 301-302


Pour peu que nous lui fassions confiance et le suivions, c’est le désir qui nous mène jusqu’au cœur des choses que nous désirons connaître. Et c’est lui aussi qui nous fait trouver, sans même avoir à la chercher, la méthode la plus efficace pour connaître ces choses, et qui convient le mieux à notre personne. Pour les mathématiques, il semble bien que l’écriture de tout temps a été un moyen indispensable, quelle que soit la personne qui « fait des maths » : faire des mathématiques, c’est avant tout écrire.
  • (36) Désir et méditation [94]
  • Récoltes et semailles (I), Alexandre Grothendieck, éd. Gallimard, 2021  (ISBN 978-2-07-295912-7), chap. Fatuité et renouvellement. VI. Récoltes, p. 310


Celui en qui l’émerveillement était le plus visible était Dieudonné. Que ce soit lui qui fasse un exposé, ou qu’il soit simplement auditeur, quand arrivait le moment crucial où une échappée soudain s’ouvrait, on voyait Dieudonné aux anges, radieux. C’était l’émerveillement à l’état pur, communicatif, irrésistible - où toute trace du « moi » avait disparu.
  • (37) L'émerveillement [96].
  • Récoltes et semailles (I), Alexandre Grothendieck, éd. Gallimard, 2021  (ISBN 978-2-07-295912-7), chap. Fatuité et renouvellement. VI. Récoltes, p. 313


Mon principal guide dans mon travail a été la recherche constante d’une cohérence parfaite, d’une harmonie complète que je devinais derrière la surface turbulente des choses, et que je m’efforçais de dégager patiemment, sans jamais m’en lasser. C’était un sens aigu de la « beauté », sûrement, qui était mon flair et ma seule boussole. Ma plus grande joie a été, moins de la contempler quand elle était apparue en pleine lumière, que de la voir se dégager peu à peu du manteau d’ombre et de brumes où il lui plaisait de se dérober sans cesse. Certes, je n’avais de cesse que quand j’étais parvenu à l’amener jusqu’à la plus claire lumière du jour. J’ai connu alors, parfois, la plénitude de la contemplation, quand tous les sons audibles concourent à une même et vaste harmonie. Mais plus souvent encore, ce qui était amené au grand jour devenait aussitôt motivation et moyen d’une nouvelle plongée dans les brumes, à la poursuite d’une nouvelle incarnation de Celle qui restait à jamais mystérieuse, inconnue – m’appelant sans cesse, pour La connaître encore...
  • (39) Belle de nuit, belle de jour – ou les écuries d'Augias [102].
  • Récoltes et semailles (I), Alexandre Grothendieck, éd. Gallimard, 2021  (ISBN 978-2-07-295912-7), chap. Fatuité et renouvellement. VI. Récoltes, p. 319


Sans un minimum d’ouverture à la beauté des choses, j’aurais été bien incapable de « fonctionner » comme mathématicien, même à un régime des plus modestes - et je doute que quiconque puisse faire travail utile en mathématiques, s’il ne reste vivant en lui, tant soit peu, ce sens de la beauté. Ce n’est pas tant, me semble-t-il, une prétendue « puissance cérébrale » qui fait la différence entre tel mathématicien et tel autre, ou entre tel travail et tel autre du même mathématicien ; mais plutôt la qualité de finesse, de délicatesse plus ou moins grande de cette ouverture ou sensibilité, d’un chercheur à un autre ou d’un moment à l’autre chez le même chercheur. Le travail le plus profond, le plus fécond est celui aussi qui atteste de la sensibilité la plus déliée pour appréhender la beauté cachée des choses.
  • (40) La mathématique sportive [103].
  • Récoltes et semailles (I), Alexandre Grothendieck, éd. Gallimard, 2021  (ISBN 978-2-07-295912-7), chap. Fatuité et renouvellement. VI. Récoltes, p. 320


Derrière chaque chose entrevue, si peu qu’on fouille, d’autres belles choses encore, qui en recouvrent et en révèlent d’autres à leur tour… Que ce soit en maths ou ailleurs, où qu’on pose les yeux avec un véritable intérêt, on voit se révéler une richesse, une profondeur qu’on devine inépuisable.
  • (50) Le poids d’un passé [122].
  • Récoltes et semailles (I), Alexandre Grothendieck, éd. Gallimard, 2021  (ISBN 978-2-07-295912-7), chap. Fatuité et renouvellement. VIII. L’aventure solitaire, p. 356


Mon ambition de mathématicien ma vie durant, ou plutôt ma passion et ma joie ont été constamment de trouver les choses évidentes.
  • Le « snobisme des jeunes » – ou les défenseurs de la pureté. Note 27 [161].
  • Récoltes et semailles (I), Alexandre Grothendieck, éd. Gallimard, 2021  (ISBN 978-2-07-295912-7), chap. Notes pour la première partie de Récoltes et semailles, p. 391


Une telle sensibilité délicate à la beauté me semble intimement liée à une chose dont j’ai eu occasion de parler sous le nom de « exigence » (vis-à-vis de soi) ou de « rigueur » (au plein sens du terme), que je décrivais comme une « attention à quelque chose de délicat en nous-mêmes », une attention à une qualité de compréhension de la chose sondée. Cette qualité de compréhension d’une chose mathématique ne peut être séparée d’une perception plus ou moins intime, plus ou moins parfaite de la « beauté » particulière à cette chose.
  • Note 36 [166].
  • Récoltes et semailles (I), Alexandre Grothendieck, éd. Gallimard, 2021  (ISBN 978-2-07-295912-7), chap. Notes pour la première partie de Récoltes et semailles, p. 397


Quand les choses elles-mêmes nous soufflent quelle est leur nature cachée et par quels moyens nous pouvons le plus délicatement et le plus fidèlement l’exprimer, alors que pourtant beaucoup de faits essentiels semblent hors de la portée immédiate d’une démonstration, le simple instinct nous dit d’écrire simplement noir sur blanc ce que les choses nous soufflent avec insistance, et d’autant plus clairement que nous prenons la peine d’écrire sous leur dictée !
  • Souvenir d’un rêve – ou la naissance des motifs [210].
  • Récoltes et semailles (I), Alexandre Grothendieck, éd. Gallimard, 2021  (ISBN 978-2-07-295912-7), chap. L’enterrement (1) – ou la robe de l’empereur en chine. B. Pierre et les motifs, p. 457-458


Le simple fait d’écrire, de nommer, de décrire – ne serait-ce d’abord que décrire des intuitions élusives ou de simples « soupçons » réticents à prendre forme – a un pouvoir créateur.
  • Souvenir d’un rêve – ou la naissance des motifs [210].
  • Récoltes et semailles (I), Alexandre Grothendieck, éd. Gallimard, 2021  (ISBN 978-2-07-295912-7), chap. L’enterrement (1) – ou la robe de l’empereur en chine. B. Pierre et les motifs, p. 458


Par la seule vertu d’un effort de formulation, ce qui était informe prend forme, se prête à examen, faisant se décanter ce qui est visiblement faux de ce qui est possible, et de cela surtout qui s’accorde si parfaitement avec l’ensemble des choses connues, ou devinées, qu’il devient à son tour un élément tangible et fiable de la vision en train de naître. Celle-ci s’enrichit et se précise au fil du travail de formulation.
  • Souvenir d’un rêve – ou la naissance des motifs [210].
  • Récoltes et semailles (I), Alexandre Grothendieck, éd. Gallimard, 2021  (ISBN 978-2-07-295912-7), chap. L’enterrement (1) – ou la robe de l’empereur en chine. B. Pierre et les motifs, p. 458


Citations sur

modifier

David Bessis

modifier
Grothendieck recherche activement l'erreur, comme le petit enfant recherche activement les bêtises à faire. Dans sa découverte du monde mathématique, chaque fois qu'il sent quelque chose de bizarre ou d'intrigant, de pas clair ou de pas satisfaisant, d'incohérent ou de désagréable, il creuse dans cette direction.


David Ruelle

modifier
La passion de Grothendieck était de développer des idées générales et nouvelles, de révéler des paysages mathématiques grandioses. Pour cela, il était à la fois puissant et habile. Mais l'habileté n'était pas son but. On peut regretter qu'il ait laissé derrière lui une construction inachevée, mais il préférait créer des théories générales plutôt que d'y ajouter soigneusement des détails. Notre grande perte n'est pas dans l'inachèvement de son œuvre, mais dans le fait que nous ne savons pas quelles autres perspectives il aurait pu ouvrir dans nos connaissances s'il n'avait pas abandonné les mathématiques – ou s'il n'avait pas été abandonné par elles.
  • L'étrange beauté des mathématiques (2008), David Ruelle, éd. Odile Jacob, 2013  (ISBN 978-2-7381-2624-5), chap. 6. Un coup d’œil sur la géométrie algébrique et l’arithmétique, p. 55


Entre 1983 et 1986, Grothendieck a travaillé au long texte des Récoltes et Semailles : plus de 1 500 pages de réflexions sur la vie et les mathématiques. C'est un texte très varié, dont certaines parties rappellent le De profundis d'Oscar Wilde, alors que d'autres contiennent des attaques paranoïdes contre certains de ses anciens étudiants et amis accusés d'avoir trahi son œuvre et son message scientifique. Ces attaques sont souvent trop personnelles et mettent le lecteur mal à l'aise. Elles sont, sans aucun doute, en partie injustes, en partie vraies. […] Certaines parties du texte ont une profondeur et une beauté étranges. Il restera un document important pour la compréhension d'une période cruciale de l'histoire des mathématiques.
  • L'étrange beauté des mathématiques (2008), David Ruelle, éd. Odile Jacob, 2013  (ISBN 978-2-7381-2624-5), chap. 7. Un voyage à Nancy avec Alexandre Grothendieck, p. 64


Sa grande passion à lui, c’était de regarder un problème jusqu’à ce que sa solution devienne évidente. Sa grande passion, dit-il, c’est de découvrir des choses évidentes.
  • David Ruelle (vers 16 min.)


Voir aussi

modifier

Vous pouvez également consulter les articles suivants sur les autres projets Wikimédia :