Chanson

œuvre musicale composée d'un texte et d'une mélodie

Une chanson est une œuvre musicale composée d'un texte et d'une mélodie destinée à être interprétée par la voix humaine.

Victor-Gabriel Gilbert, Le marchand de chansons
Victor-Gabriel Gilbert, Le marchand de chansons
La chanson réaliste est un genre qui demande beaucoup de malheurs, parce c'est un genre populaire. C'était surtout à la mode au début du siècle, quand il n'y avait pas la sécurité sociale et qu'on mourait beaucoup de misère et de la poitrine, et l'amour avait beaucoup plus d'importance qu'aujourd'hui car il n'y avait ni la voiture, ni la télé, ni les vacances, et lorsqu'on était enfant du peuple, l'amour était tout ce qu'on pouvait avoir de bien.


C'était la voix : grave, dure, et nourrie d'une peine si poignante qu'il était difficile de la supporter. Et sa chanson ne ressemblait en rien à toutes celles que, ici, on avait l'habitude d'entendre. C'était une complainte, très vieille et très lente, d'une simplicité terrible et dont chaque mot tombait un à un, comme ces cailloux qu'on jette dans une eau étale et qui la font trembler longtemps, ride sur ride, onde sur onde.


L'ancien bagnard couchait presque son visage sans narines sur le bois de la guitare pour lui demander qu'elle offre et libère les mots, les mots simples et nécessaires. Il le faisait avec une foi qui rendait à chaque parole la force nue de ses origines.
Chants pour tout et toujours. Pour les larmes et l'orgie. La plainte et la révolte. Les chaînes et l'évasion. Des milliers d'hommes les avaient répétés siècle après siècle, au fond des mines de sel et d'or. Et lui-même, le colonel de Semenof, le maître du train blindé, les avait mille fois repris. Et sur cette même guitare primitive, usée, ravaudée, recollée, — seul objet, ici, ingénu.


Le dernier, presque aussi pétrifié qu'eux, appuyait une guitare contre sa poitrine. Sans le mouvement d'un énorme rubis qui remuait comme un insecte en feu, j'aurais pu croire que l'instrument chantait tout seul. Et de quelle chanson ! Je n'ai de ma vie entendu quelque chose d'aussi farouchement tendre, d'aussi plaintif, d'aussi funeste. C'était toujours le même motif, avec des variations à peine perceptibles, mai simples, mais fraternelles, et qui faisaient prendre en pitié tout l'univers. Le son un peu grêle des cordes leur ajoutait je ne sais quelle humilité qui serrait le cœur. On eût dit une tristesse étonnée, insondable, insoutenable d'enfant.

  • Les Nuits Cruelles, Joseph Kessel, éd. Les Éditions de France, 1932, p. 49, 50