Dick Marty

juriste et homme politique suisse

Dick Marty, né le 7 janvier 1945 à Sorengo et décédé le 28 décembre 2023, est une personnalité politique suisse. Déjà comme procureur au Tessin dans les années 1970 et 1980, il s’était fait un nom en tant que champion de la lutte contre le crime organisé. Comme parlementaire, il n'a pas hésité à s'opposer à des puissants groupes d'intérêts pour défendre la liberté et les droits de l'homme. Ancien procureur général du canton du Tessin, député au Conseil des États pendant seize ans, il a également été membre de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe pour laquelle il a mené différentes enquêtes qui l'ont fait connaître sur la scène internationale.

Citations modifier

Une certaine idée de la justice, 2018 modifier

En prison aussi, l’argent est pouvoir. La plupart du temps, et pas seulement en Afrique ou en Amérique centrale, la prison ne fait qu’exalter et exaspérer les côtés les plus négatifs de la société. Comment penser qu’on puisse en sortir le meilleur ? Dans son livre, Punir – Une passion contemporaine, Didier Fassin remarque très pertinemment qu’‘en mettant ainsi l’individu seul face à son acte, la société s’exonère elle-même de sa responsabilité dans la production et la construction sociales des illégalismes.


Certes, il y a des droits fondamentaux qui sont absolus et inaliénables, auxquels on ne saurait déroger. Il s’agit notamment du droit à la vie, de l’interdiction de la torture et de l’esclavage. Les droits de l’homme ne peuvent être considérés en dehors d’une perspective sociale. En d’autres termes, il est nécessaire de trouver un équilibre entre les droits de l’individu et ceux de la collectivité. La recherche de cet équilibre est délicate et peut susciter des tensions et donner lieu à des interprétations divergentes, selon les sensibilités culturelles et le vécu historique différents. Ce n’est pas pure hypocrisie, au mieux un abus de langage, que de proclamer des droits individuels si ceux-ci ne sont, en fait,réservés qu’à une petite minorité, alors que la majorité est contrainte de vivre dans la misère, l’ignorance et la crainte de ne pas pouvoir se faire soigner.


L’institution pénitentiaire était, et est encore trop souvent, une des seules réponses qu’on sait donner au phénomène de la toxicomanie. La prison n’était et n’est évidemment pas à même d’assumer la mission qui lui est confiée par une société désemparée et incapable de proposer de véritables remèdes. La très forte proportion de toxicomanes dans la population carcérale a créé ainsi des problèmes insurmontables pour l’institution pénitentiaire, confrontée à une tâche qui ne peut être la sienne. La prison en a énormément souffert au point que le théorème avancé par Michel Foucault redevient dramatiquement actuel et vraisemblable : ‘Au constat que la prison échoue à réduire les crimes il faut peut-être substituer l’hypothèse que la prison a fort bien réussi à produire la délinquance…’ Une dynamique qui se confirme d’ailleurs également pour l’extrémisme islamiste : la prison est un endroit particulièrement favorable pour la radicalisation et le recrutement de futurs terroristes.


Les nombreuses enquêtes menées aussi bien au niveau local qu’international m’ont définitivement convaincu que le prohibitionnisme en matière de drogue est une voie sans issue, qu’il a directement contribué à produire le plus important phénomène criminel de tous les temps. Il alimente toutes sortes d’autres trafics, il infiltre l’économie avec un effet de contamination morale et de diffusion à grande échelle de la corruption. La répression n’atteint presque jamais les hauts étages du crime organisé qui gèrent ces grands trafics de drogue. La répression des petits poissons sert cependant à entretenir un certain niveau de prix et à assurer des profits fabuleux à un cercle restreint d’intouchables.


En fait, il ne s’agit pas d’imaginer ni de réaliser une société sans drogues, celle-ci n’a jamais existé. Le véritable défi est d’accepter l’existence des drogues et d’apprendre à vivre avec. La régulation du marché – avec le contrôle de la production et de la distribution en tenant compte de la dangerosité des substances – permettrait de diminuer sensiblement les profits des narcotrafiquants. Mais cela contribuerait également à diminuer fortement les risques pour les consommateurs. La plupart des décès dus à la consommation de drogues ne sont en fait pas provoqués directement par la substance, mais par le fait qu’elle est frelatée.


Le cannabis est le symbole même de l’absurdité et du manque de crédibilité de l’actuelle politique de la drogue. Largement consommé dans pratiquement tous les milieux sociaux au su et au vu de tous, il n’est certainement pas plus dangereux que les drogues considérées légales. La répression pénale dont il continue d’être l’objet assure ainsi un marché hautement profitable aux bandes criminels. L’État renonce ainsi à prendre le contrôle de ce marché, sachant parfaitement qu’il n’a pas réussi à l’éliminer comme il prétendait le faire et qu’il ne sera jamais à même de l’éliminer. Il engage ainsi des dépenses absurdes et inutiles, il renonce à d’importantes recettes et se prive de moyens efficaces de prévention que lui procurerait le contrôle de ce marché. Il faut bousculer les dogmes et les préjugés qui depuis trop longtemps faussent le débat sur ce sujet. Le débat sur la drogue a en effet souvent assumé le style et le ton d’une guerre de religion : croyance, conviction, voire fanatisme, au lieu de raison et réalisme.


L’impunité est intolérable et scandaleuse parce qu’elle constitue, en fait, un crime odieux de plus contre les victimes et leurs survivants, elle représente un obstacle insurmontable à la réconciliation, elle favorise le révisionnisme, délégitime les jugements de ceux qui ont été condamnés et prive les générations futures de témoignages crédible.


L’Union européenne prétend également faire du respect des droits fondamentaux l’un de ses piliers essentiels. Elle l’a proclamé à Nice en 2000 en adoptant une charte, devenue contraignante avec l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne. L’UE a d’autre part entrepris les démarches pour devenir membre à tous les effets de la Convention européenne des droits de l’homme. Des progrès remarquables, sans aucun doute. Que dire, cependant, de la passivité honteuse, non seulement de l’UE, mais également de ses États membres, face à l’abominable tragédie qui est en train de transformer la Méditerranée en un immense cimetière ? Cette Méditerranée qui a été le berceau de notre civilisation ! Les monstres ne sont pas seulement à Damas. Ils peuvent être aussi dans les bureaux feutrés des palais de pouvoir de la très civilisée Europe, devenus bourreaux par omission d’humanité, indifférents ou préférant profiter de la vague de xénophobie, qu’ils entretiennent plutôt que de la combattre. Et avec Nietzsche, on peut se demander : ‘Quelle ne sera pas la répugnance des générations futures quand elles auront à s’occuper de l’héritage de cette période où ce n’étaient pas les hommes vivants qui gouvernaient, mais des semblants d’hommes, interprètes de l’opinion.


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