Jacques Attali

homme politique français

Jacques Attali (1er novembre 1943 à Alger) est un économiste, écrivain et haut fonctionnaire français, qui fut notamment conseiller de François Mitterrand.

Jacques Attali (2010).

Dictionnaire du XXIe siècle, 1998

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Ce qui serait à faire pour éviter le pire est simple à énoncer : mettre les sciences et la technologie au service de la justice ; profiter de leur formidable potentiel pour supprimer toute pauvreté, casser les systèmes hiérarchiques et repenser la démocratie ; encourager la diversité, partager les richesses, favoriser la santé et l'éducation, éliminer les dépenses d'armement, s'ouvrir aux cultures des autres, favoriser tous les métissages, apprendre à penser globalement.
  • Dictionnaire du XXIe siècle, Jacques Attali, éd. Fayard, 1998, p. 27


Fraternités : Une nouvelle utopie, 1999

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Aucune civilisation n'est durable si elle n'est pas capable de donner un sens à l'effort, de justifier l'écoulement du temps. Concentrée sur le court terme, ballotée entre le réversible et le précaire, la démocratie de marché en est de moins en moins capable. Pour le masquer, elle se doit d'offrir à ses membres une façon de penser à l'absence de sens, de vivre par procuration une vie idéale – bref, un divertissement. Marché et Distraction : telle est la devise de la mondialisation. Pour être efficace, elle doit être sans cesse plus sensationnelle, émotionnelle, mélodramatique, manichéenne, consolation contre « l'affreuse mer de l'activité sans but » dont parlait déjà Alfred de Musset, et fondement de l'esthétique car l'art naît souvent de la distraction lorsque celle-ci dérive en recherche de la beauté.


La mondialisation des échanges démontre chaque jour qu'aucune société autre que celle que façonnent les marchés n'est possible, même sur un territoire circonscrit, et qu'il ne sert même à rien d'y penser. Le marché tue donc l'utopie comme sujet de réflexion tout en la récupérant comme objet de consommation et en en faisant le fondement même de la publicité.


Les Juifs, le monde et l'argent, 2002

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Voici l’histoire des rapports du peuple juif avec le monde et l’argent. Je sais ce que sujet a de sulfureux. Il a déclenché tant de polémiques, entraîné tant de massacres qu’il est devenu comme un tabou à n’évoquer sous aucun prétexte, de peur de réveiller quelque catastrophe immémoriale. Aujourd’hui, plus personne n’ose écrire sur ce sujet ; comme si des siècles d’études n’avaient servi qu’à nourrir des autodafés. De ce fait, par son existence même, ce livre est menacé d’être source de mille malentendus.
  • Les Juifs, le monde et l’argent, Jacques Attali, éd. Fayard, 2002  (ISBN 2-2136-1044-4), p. 9


Le marché doit utiliser des instruments honnêtes, en particulier un système précis de poids et mesures.
  • Les Juifs, le monde et l’argent, Jacques Attali, éd. Fayard, 2002  (ISBN 2-2136-1044-4), p. 149


Le prêt doit alors être sans intérêt : "il est permis de faire payer par tranches, mais pas si le total des tranches est supérieur au prix payable comptant" (Baba Metsia 70 b). Rabbi Gamliel recommande même de prêter à perte aux pauvres.
  • Les Juifs, le monde et l’argent, Jacques Attali, éd. Fayard, 2002  (ISBN 2-2136-1044-4), p. 163


Il semble même, selon certains chercheurs chinois d'aujourd'hui, qu'en 1154 ce soient des juifs qui, les premiers, aient fabriqué des billets de banques en jute : sur les quatre côtés d'une plaque d'impression retrouvée récemment, on pourrait lire comme des caractères hébraïques.
  • Les Juifs, le monde et l’argent, Jacques Attali, éd. Fayard, 2002  (ISBN 2-2136-1044-4), p. 218


Pour rabbi Judah Loew, le droit de prêter à intérêt vient de ce que la valeur numérique du mot "intérêt" (ribbit) est de 612, ce qui, selon lui, prouve que prêter équivaut à lui seul à obéir aux 613 obligations de la Loi.
  • Les Juifs, le monde et l’argent, Jacques Attali, éd. Fayard, 2002  (ISBN 2-2136-1044-4), p. 325


En avril 1917, craignant que l'Allemagne ne prenne le contrôle de l'Atlantique - peut être aussi redoutant que l'asphyxie de la Grande Bretagne qui s'ensuivrait ne lui interdise de rembourser ses emprunts -, les États-Unis entrent enfin en guerre (...)
En juin 1917, c'est à l'état allemand de ne pouvoir faire face à ses dettes de guerre. Et comme - grâce aux pressions d'Otto Kahn, entre autres - personne ne lui accorde de nouveaux prêts, le Kaiser s'adresse à la banque centrale qui actionne la planche à billets ; l'inflation, jusque-là contenue, explose
  • Les Juifs, le monde et l’argent, Jacques Attali, éd. Fayard, 2002  (ISBN 2-2136-1044-4), p. 561 et 562


Hugo Preuss, juriste juif, rédige la Constitution de Weimar. Kurst Eisner dirige le gouvernement révolutionnaire bavarois, à la tête d'une équipe dont la majorité des ministres sont juifs.
  • Les Juifs, le monde et l’argent, Jacques Attali, éd. Fayard, 2002  (ISBN 2-2136-1044-4), p. 575


L'homme nomade, 2003

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Le propre de l'homme, c'est d'abord la course d'un bipède.


Les guerres entre groupes - pour des femmes ou des zones de chasse - obéissent à quelques principes simples : faire peur, attaquer par surprise, rompre les lignes de communication de l'ennemi, ne lui laisser aucun répit. Elles ne respectent aucune règle morale : il est recommandé de se faire passer pour un allié de son adversaire, de le trahir, de faire croire à sa propre fuite ; et rien n'interdit d'attaquer dans le dos. Tout est bon pour pousser l'autre à abandonner au plus vite le bien convoité.


Une brève histoire de l'avenir, 2006

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La situation est simple : les forces du marché prennent en main la planète. Ultime expression du triomphe de l'individualisme, cette marche triomphante de l'argent explique l'essentiel des plus récents soubresauts de l'Histoire : pour l'accélérer, pour la refuser, pour la maîtriser.


Si cette évolution va à son terme, l'argent en finira avec tout ce qui peut lui nuire, y compris les États, qu'il détruira peu à peu, même les États-Unis d'Amérique. […] tout sera privé, y compris l'armée, la police et la justice.


[…] à l'observer sur la très longue durée, l'Histoire s'écoule en effet dans une direction unique, entêtée, très particulière, qu'aucun soubresaut, même prolongé, n'a jusqu'à présent réussi à détourner durablement : de siècle en siècle, l'humanité impose la primauté de la liberté individuelle sur toute autre valeur. Elle le fait par le rejet progressif de la résignation à toute forme de servitude, par des progrès techniques permettant de réduire tout effort, par la libéralisation des mœurs, des systèmes politiques, de l'art et des idéologies. Autrement dit, l'histoire humaine est celle de l'émergence de la personne comme sujet de droit, autorisée à penser et à maîtriser son destin, libre de tout contrainte, si ce n'est le respect du droit de l'autre aux mêmes libertés.


Puis, vers 2050, le marché, par nature sans frontières, l'emportera sur la démocratie, institutionnellement circonscrite à un territoire. Les États s'affaibliront ; de nouvelles technologies nanométriques réduiront les consommations d'énergie et transformeront les ultimes services encore collectifs : la santé, l'éducation, la sécurité et la souveraineté […] Chacun n'y sera plus loyal qu'à lui-même ; les entreprises ne se reconnaîtront plus aucune nationalité ; les pauvres constitueront un marché parmi d'autres ; les ois seront remplacées par des contrats, la justice par l'arbitrage, la police par des mercenaires. […] Des compagnies d'assurances, devenues régulateurs du monde, y fixeront les normes auxquelles devront se plier les États, les entreprises et les particuliers. Des organismes privés de gouvernance veilleront, pour le compte de ces assureurs, au respect de ces normes.


On peut alors raconter l'histoire de l'humanité comme la succession de trois grands ordres politiques : l'Ordre rituel, où l'autorité est essentiellement religieuse ; lOrdre impérial, où le pouvoir est avant tout militaire ; lOrdre marchand, où le groupe dominant est celui qui contrôle l'économie. L'idéal du premier est théologique ; celui du second, territorial ; celui du troisième, individualiste.


Même si les livres d'histoire, aujourd'hui encore, s'intéressent plus au sort des princes qu'à celui des marchands, et s'ils préfèrent raconter la montée et le déclin des empires qui vont continuer à se partager le monde pendant les millénaires suivants, l'essentiel du mouvement de l'histoire se joue, dès ce moment, ailleurs : dans la naissance d'un ordre individualiste, érigeant les droits de l'homme en idéal absolu. Un ordre capable, en violant sans cesse son propre idéal, de produire des richesses mieux qu'aucun autre avant lui. Cet ordre n'est d'abord qu'un minuscule parasite à l'intérieur des sociétés théocratiques ou impériales.


La croissance économique mondiale s'accélère aussi : l'Ordre marchand s'étend à de nouvelles démocraties de marché. […] Quand, en 1988, Mikhaïl Gorbatchev tente d'instaurer la démocratie en maintenant les règles de l'économie planifiée et de la propriété collective, il échoue et il faut moins de trois ans pour passer de la glasnost à la perestroïka, c'est-à-dire pour comprendre que la démocratie ne peut exister sans une économie de marché.


Les salariés sont aussi de plus en plus endettés, en particulier auprès de deux entreprises publiques (Fannie Mae, deuxième entreprise des États-Unis, et Freddie Mac, la cinquième), qui possèdent ou garantissent 4 trillions de dollars de prêts hypothécaires, des multipliée par quatre en dix ans.


L'Histoire longue, on l'a vu, a obéi jusqu'ici à quelques règles simples ; depuis que la démocratie et le marché sont apparus, l'évolution va dans une direction unique : de siècle en siècle, elle généralise la liberté politique et canalise les désirs vers leur expression marchande.


Parallèlement, cette croissance économique étendra le champ de la démocratie : aucun régime autoritaire n'a jamais résisté durablement à l'abondance. Les plus récents (du général Franco au général Suharto, du général Pinochet au général Marcos) se sont révélés incapables d'utiliser une forte croissance pour maintenir leur contrôle sur les classes moyennes. La plupart des pays qui ne sont pas encore des démocraties de marché (Chine, Corée du Nord, Birmanie, Vietnam, Pakistan, Iran même) pourraient le devenir.


Pendant ces deux prochaines décennies, l'Union européenne ne sera vraisemblablement rien de plus qu'un simple espace économique commun,élargie à l'ex-Yougoslavie, à la Bulgarie, la Roumanie, la Moldavie et à l'Ukraine.


Le Parti communiste chinois sera de moins en moins capable d'organiser la vie urbaine. […] Vers 2025, le Parti communiste, alors au pouvoir depuis soixante-seize ans (aucun parti au monde n'est jamais resté au pouvoir plus de soixante-dix ans), s'effacera d'une façon ou d'une autre.


L'essentiel du revenu des classes moyennes et supérieures sera utilisé pour l'achat de servie : éducation, santé, sécurité. […] De plus en plus de gens préfèreront confier la couverture de leurs risques à des compagnies d'assurances privées, de plus en plus puissantes, au détriment des États. Les échanges commerciaux, numériques et financiers, échapperont de plus en plus aux États, ainsi privés d'une part significative de leurs recettes fiscales.


D'autres, de plus en plus nombreux, choisiront de partir justement pour ne plus avoir à dépendre d'un pays dont ils rejetteront la fiscalité, la législation, voire la culture. Aussi pour disparaître totalement, changer d'identité, vivre une autre vie ; le monde sera ainsi de plus en plus rempli d'anonymes volontaires ; il sera comme un carnaval où chacun - ultime liberté - se sera choisi une nouvelle identité.


Le capitalisme n'en sera que plus vivant, plus dynamique, plus prometteur, plus dominateur. Ceux qui auront annoncé ses funérailles en seront, encore une fois, pour leurs frais.


Vers 2050, sous le poids des exigences du marché et grâce à de nouveaux moyens technologiques, l'ordre du monde s'unifiera autour d'un marché devenu planétaire, sans État.


Partout où ce n'est pas encore le cas, c'est-à-dire essentiellement en Chine et dans le monde musulman, la croissance marchande créera vers 2035 une classe moyenne qui mettra à bas la dictature et installera une démocratie parlementaire.


La mise en place d'élections libres ne suffira évidemment pas à instaurer durablement ces démocraties de marché : les exemples irakien, algérien ou ivoirien démontrent que des élections, même libres, si elles ne sont pas accompagnées de la mise en place d'institutions stables, économiques et politiques, et si n'existe pas un véritable désir des citoyens de vivre ensemble, peuvent au contraire faire reculer la démocratie.


Puis les services d'éducation, de santé, ceux liés à l'exercice de la souveraineté, aujourd'hui remplis pour l'essentiel par des agents publics, cesseront totalement d'être publics : médecins, professeurs, puis juges et soldats deviendront des salariés du secteur privé.


Les services d'éducation, de santé, de souveraineté seront ainsi progressivement remplacés - comme ce fut le cas avec les transports, les services domestiques, la communication - par des machines produites en série ; ce qui ouvrira, une nouvelle fois, de nouveaux marchés aux entreprises et augmentera la productivité de l'économie. Comme il s'agira là de toucher à des services essentiels à l'ordre social, constitutifs même des États et des peuples, cela modifiera radicalement les relations à l'imaginaire individuel et collectif, à l'identité, à la vie, à la souveraineté, au savoir, au pouvoir, à la nation, à la culture, à la géopolitique. Là se situe la plus profonde révolution qui nous attend dans le prochain demi-siècle.


Les États se feront alors concurrence par une baisse massive des impôts sur le capital et sur la classe créative, ce qui les privera progressivement de l'essentiel de leurs ressources ; exsangues, et poussés aussi par l'apparition des autosurveilleurs, les États abandonneront au marché le soin de proposer la plupart des services relevant de l'éducation, de la santé, de la sécurité et même de la souveraineté.


Les États se feront alors concurrence par une baisse massive des impôts sur le capital et sur la classe créative, ce qui les privera progressivement de l'essentiel de leurs ressources ; exsangues, et poussés aussi par l'apparition des autosurveilleurs, les États abandonneront au marché le soin de proposer la plupart des services relevant de l'éducation, de la santé, de la sécurité et même de la souveraineté.


Si, dans un demi-siècle ou moins, des compagnies d'assurances parviennent à contrôler les principales entreprises et à imposer leurs normes aux États, si des mercenaires privés remplacent les armées, si des monnaies d'entreprises se substituent aux principales devises, alors l'hyperempire aura triomphé.


Elle [l'intelligence universelle] créera un rapport tout à fait nouveau à la propriété intellectuelle, qui ne pourra plus être absolue et devra être partagée avec l'ensemble de l'humanité, nécessaire à la créativité de chacun.


Je suis pour ma part en tant que socialiste contre l'allongement de la vie. (...) L'euthanasie sera un des instruments essentiels de nos sociétés futures dans tous les cas de figures. Dans une logique socialiste, pour commencer, le problème se pose comme suit : la logique socialiste c'est la liberté et la liberté fondamentale c’est le suicide ; en conséquence, le droit au suicide direct ou indirect est donc une valeur absolue dans ce type de société. Dans une société capitaliste, des machines à tuer, des prothèses qui permettront d'éliminer la vie lorsqu'elle sera trop insupportable ou économiquement trop coûteuse, verront le jour et seront de pratique courante. Je pense donc que l'euthanasie, qu’elle soit une valeur de liberté ou une marchandise, sera une des règles de la société future.

  • Entretien avec Jacques Attali
  • L'Avenir de la Vie, Michel Salomon, éd. Robert Laffont, 1981  (ISBN 2-221-50237-X), p. 274, 275


Arnaud Robert : Vous décrivez le chef d'orchestre comme "visible et silencieux, donneur d'ordres sans bruit, maître désarmé de la violence". Vous dirigez vous-même régulièrement.
Jacques Attali : J'aime celà profondément. Il y a trois dimensions dans la direction. D'abord l'étude austère de la partition qui se fait dans la solitude. Puis les répétitions avec l'orchestre, l'ouverture d'un dialogue qui nécessite clarté et empathie. Enfin la représentation. Le chef fait des gestes pour ceux qui sont en face de lui, pas pour ceux qui sont dans son dos. Un seul regard, une fraction de seconde suffisent. Il faut être ouvert à cette masse qui vous fait face. Je dirige donc sans partition.

  • « "Stocker de la musique, c'est conjurer la mort" », Jacques Attali, propos recueillis par Arnaud Robert, Le Temps (quotidien suisse) (ISSN 1423-3967), 4 février 2012, p. 29


Citation rapportée

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Le pouvoir, c'est de disposer du temps des autres.
  • Manager en toutes lettres, guide d'action et de culture (1995), François Aélion, éd. Les éditions d'organisation, 1999  (ISBN 2-7081-1803X), p. 128


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