Le Nouveau Nom

Roman d'Elena Ferrante (2012)

Le Nouveau Nom, est le deuxième tome de la tétralogie L'Amie prodigieuse, écrite par Elena Ferrante. Ce roman a été publié en 2012 pour la version italienne et 2016 pour la version française.

Citations

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[À] part moi personne ne semblait se rendre compte que le mariage qui venait tout juste d'être célébré (et qui durerait sans doute jusqu'à la mort des conjoints, qui auraient de nombreux enfants et petits-enfants, connaîtraient joies et douleurs, noces d'argent et noces d'or), que ce mariage pour Lila était bel et bien fini, quoi que son mari puisse faire en ce moment-là pour obtenir son pardon.


Je me rendis bientôt compte que, mariée, elle était plus seule que lorsqu'elle était célibataire.[...] Mais sa condition d'épouse l'avait enfermée dans une sorte de récipient de verre, comme un voilier naviguant toutes voiles dehors dans un espace inaccessible où il n'y avait même pas la mer.


Sans raison évidente, je me mis à observer les femmes sur le boulevard. Tout à coup, j'eus l'impression d'avoir vécu en limitant en quelque sorte mon regard, comme si j'étais capable de m'intéresser uniquement à nous autres, les jeunes filles–[...]moi-même ou mes camarades de classe– et que je n'avais jamais vraiment prêté attention au corps [des femmes plus âgées].


Ce jour-là, en revanche, je vis très clairement les mères de famille du vieux quartier. Elles étaient nerveuses et résignées. Elles se taisaient, lèvres serrées et dos courbé, ou bien hurlaient de terribles insultes à leurs enfants qui les tourmentaient. Très maigres, joues creuses et yeux cernés, ou au contraire dotées de larges fessiers, de chevilles enflées et de lourdes poitrines, elles traînaient sacs à commissions et enfants en bas âge, qui s'accrochaient à leurs jupes et voulaient être portés. Et, mon Dieu, elles avaient dix, au maximum vingt ans de plus que moi. Toutefois elles semblaient avoir perdu les traits féminins auxquels, nous les jeunes filles, nous tenions tant, et que nous mettions en valeur avec vêtements et maquillage.


Toute la vie, on aime des gens qu'on ne connaît jamais vraiment.


Derrière mon masque le plus doux, celui-là même que prenait mon père quand on lui donnait un pourboire, le masque inventé par mes ancêtres pour éviter le danger – mes ancêtres éternellement apeurés, subalternes, consentants et plein de zèle –, je passai de mensonge en mensonge avec mes manières les plus affables.


Je lui expliquai que Lila ne faisait jamais bonne impression le première fois. Déjà quand elle était petite, on aurait dit un diable, et de fait elle en était un, mais dans le bon sens du terme. Elle avait la tête bien faite et réussissait tout ce qu'elle décidait d'entreprendre : si elle avait pu étudier, elle serait devenue une femme de sciences comme Marie Curie, une immense romancière comme Grazia Deledda, voire quelqu'un comme Nilde Iotti, l'épouse de Togliatti.


Dans le monde, tout était équilibre et tout était risque : celui qui n'acceptait pas de prendre des risques et n'avait aucune confiance dans la vie dépérissait dans un coin. Soudain, je compris pourquoi je n'avais pas eu Nino et pourquoi Lila, elle, l'avait eu. Je n'étais pas capable de m'abandonner à de véritables sentiments. Je ne savais pas me laisser entraîner au-delà des limites. Je ne possédais pas cette puissance émotionnelle qui avait poussé Lila à tout faire pour profiter de cette journée et de cette nuit. Je demeurais en retrait, en attente. Alors qu'elle, elle s'emparait des choses, elle les voulait vraiment, se passionnait, jouait le tout pour le tout sans crainte des railleries, du mépris, des crachats et des coups. Bref, elle avait mérité Nino parce qu'elle considérait que l'aimer, cela voulait dire essayer de l'avoir, et non espérer qu'il la veuille.


Il lui avait rendu sa capacité à sentir. Surtout, il avait ressuscité sa conscience d'elle-même. Oui, ressuscité. Des lignes entières étaient consacrées à cette idée de résurrection : c'était une élévation extatique, la fin de tout lien et pourtant aussi le plaisir indicible d'un nouveau lien, c'était une renaissance et aussi une insurrection – lui et elle, elle et lui, ensemble, qui réapprenaient la vie, en chassant tout venin et la réinventaient comme pure joie de penser et de vivre.


Je craignais ceux qui savaient être cultivés sans ce presque, avec désinvolture. [...]Je faisais partie de ceux qui bûchaient jour et nuit, obtenaient d'excellents résultats, étaient même traités avec sympathie et estime, mais qui ne porteraient jamais inscrit sur eux toute la valeur, tout le prestige de nos études. J'aurais toujours peur : peur de dire ce qu'il ne fallait pas, d'employer un ton exagéré, d'être habillée de manière inadéquate, de révéler des sentiments mesquins et de ne pas avoir d'idées intéressantes.


Peu avant mes vingt-trois ans, j'avais fini mes études de lettres, et j'avais obtenu mon diplôme avec les félicitations du jury à l'unanimité. Mon père n'avait pas dépassé le primaire, ma mère s'était arrêtée au bout de deux ans d'école, et aucun de mes ancêtre, pour autant que je sache, n'avait jamais su ni lire ni écrire couramment. J'avais vraiment accompli un exploit prodigieux !

Citations sur

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Comme dans les grands livres d’Elsa Morante, les orages de la passion semblent s’acharner sur nos deux héroïnes qui illuminent, par leur extraordinaire charisme, cette saga aux divines couleurs de l’Italie.
  • « Mais qui est donc Elena Ferrante ? », Didier Jacob, Le Nouvel Observateur, 2 février 2016 (lire en ligne)


Voir aussi

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