Mathieu Gaborit, né le 25 août 1972, est un écrivain français, auteur de romans de fantasy et de science-fiction, qui est également concepteur de jeux. Il est l'auteur de plusieurs suites romanesques de fantasy, dont Les Chroniques des Crépusculaires et Abyme dans l'univers des Crépusculaires ainsi que Les Chroniques des Féals.
La plupart des intimes de mon défunt père entouraient la couche mortuaire. Vassaux ou simples chevaliers, ils avaient laissé leur terre et leur famille pour venir rendre un dernier hommage au baron de Rochronde.
Premières phrases du livre.
Les Chroniques des Crépusculaires, Mathieu Gaborit, éd. Mnémos, coll. « Icares », 1999, chap. I, Souffre-Jour, p. 10
Ma vue se fit peu à peu à l'obscurité et les détails se livrèrent en désordre : de grosses racines, couleur d'onyx, qui couraient au pied des bâtisses, d'autres branches qui jaillissaient parfois d'un mur ou d'une fenêtre, et surtout, alors que je finissais par croire que tout cela n'était que le fruit de mon imagination, cet arbre noir et gigantesque qui dominait le collège à l'extrémité de la presqu'île. Il dévoilait peu à peu sa taille, qui avoisinait les cent coudée, le foisonnement de ses branches et une tour, pareille à une échauguette, enchâssée dans le tronc. Par quelle magie l'architecte de ce collège avait-il édifié de tels prodiges ? À en juger par la présence de l'arbre qui se dressait au bout de la rue, chaque bâtisse devait abriter le même à l'intérieur de ses murs…
Arrivée d'Agone de Rochronde au Collège du Souffre-Jour.
Les Chroniques des Crépusculaires, Mathieu Gaborit, éd. Mnémos, coll. « Icares », 1999, chap. I, Souffre-Jour, p. 10
Les branches s'écartèrent pour livrer passage à une silhouette inattendue : une fée, logée dans un fauteuil roulant de bois sombre. Le corps rachitique, elle devait avoir cent ans à en juger par son visage parcheminé, ses cheveux blancs et filasses qui coulaient sur ses épaules et les deux petites ailes fripées qu'elle tenait repliées contre son dos.
— Tu allais t'enfuir sans me présenter, dit-elle en glissant jusqu'au maître d'armes. Ce n'est pas très gentil.
— Pardon, mille pardons, très chère ! s'exclama-t-il. Agone, je te présente Amertine, fée noire et mère des rapières.
Les Chroniques des Crépusculaires, Mathieu Gaborit, éd. Mnémos, coll. « Icares », 1999, chap. IV, Souffre-Jour, p. 53
En ce moment même, Mélodène joue du cistre pour que nos pensées se rassemblent ici, dans ce lieu arraché à vos souvenirs.
Lershwin le farfadet à Agone de Rochronde.
Les Chroniques des Crépusculaires, Mathieu Gaborit, éd. Mnémos, coll. « Icares », 1999, chap. VIII, Souffre-Jour, p. 82
Ces créatures génèrent la magie. Nous ne savons rien de leurs origines. Des générations de mages ont tenté de percer leur secret, mais rien n'y a fait. Comme un musicien sans son instrument, tu ne peux exercer la magie sans elles. Tout cela est encore un peu mystérieux pour toi mais tu vas comprendre. Regarde son corps, admire sa perfection. On le dirait taillé dans du marbre, et d'une pureté inégalée. Ce corps n'est fait que pour la danse, Agone, et nous appelons ces créatures les « Danseurs ». Vois-tu où je veux en venir ? L'effet magique découle directement de leur danse, des mouvements qu'ils exécutent.
Sarne, mage de l'Éclipse.
Les Chroniques des Crépusculaires, Mathieu Gaborit, éd. Mnémos, coll. « Icares », 1999, chap. III, Les Danseurs de Lorgol, p. 112
Elle semblait appartenir au marais comme un arbre à la terre. On pouvait croire qu'il la nourrissait tant elle semblait solidaire de l'eau et de sa végétation. Elle était engloutie jusqu'à hauteur de la grande rosace qui perçait la façade principale. Le chemin que nous suivions mourait sur un étroit ponton de bois, à une vingtaine de coudées de la rosace. Cette demi-lune aux bords déchiquetés me fit impression. Les bouts de vitraux ancrés sur son pourtour comme des coquillages lui prêtaient l'apparence d'une bouche édentée et monstrueuse. La bâtisse dégageait une majesté écrasante et lorsque le regard se résignait enfin à abandonner cette rosace béante, il glissait sur les sculptures qui jaillissaient partout où l'équilibre de l'édifice le permettait encore. La cathédrale ployait sous cette masse grouillante et cosmopolite qui s'échinait à l'entraîner au fond des marais. Enfin, le regard s'élevait et épousait les perspectives rectilignes des deux tours carrées jusqu'à la toiture vert-de-gris trouée en maints endroits.
Description de la cathédrale d'Adelguêne.
Les Chroniques des Crépusculaires, Mathieu Gaborit, éd. Mnémos, coll. « Icares », 1999, chap. III, Agone, p. 253-254
Avec Fabrice Colin, Confessions d'un automate mangeur d'opium (1999)
Du fond de l'âme. Une confession du fond de l'âme, afin de libérer ces démons qui rongent mon crâne. Les vomir, les arracher à mon cœur. Je veux… Je veux être semblable à cet homme, là, juste devant moi qui boit son café du bout des lèvres. Ou à cet autre qui vient d'entrer, le front en sueur d'avoir marché sous le soleil. Qui suis-je, à présent, pour me comparer à ceux qui furent mes semblables ? Un sang noir ruisselle entre mes doigts, des voix impies murmurent dans mon crâne… Seigneur, que suis-je devenu ? Je ne guette pas votre miséricorde, ni même votre pitié. À présent, je puis siéger au côté du Diable et devenir son confesseur. Mais pour l'heure, je n'ai pas encore longé les rives du Styx.
Confessions d'un automate mangeur d'opium, Fabrice Colin et Mathieu Gaborit, éd. Mnémos, coll. « Icares », 1999, chap. Prologue, p. 7