Nathalie Sarraute

femme de lettres française d'origine russe

Nathalie Sarraute, Natalia (Natacha) Tcherniak née à Ivanovo-Voznessensk en Russie, le 5 juillet 1900, morte à Paris le 19 octobre 1999, est une femme de lettres française d'origine russe. Elle est l'une des figures du Nouveau Roman à partir de la publication de L’Ère du soupçon en 1956.

Nathalie Sarraute en 1983
Un grand lac aux rives vaporeuses empanachées de cimes d'arbres de Fragonard, de Watteau. Fines vagues miroitantes sous la lune. Clapotis de l'eau contre les marches de marbre. Sur la terrasse, devant la basse balustrade antique, les formes sombres de gens assis, d'un homme debout qui se penche et déploie au-dessus d'une mince nuque surmontée de cheveux relevés en casque, au-dessus de frêles épaules nues, un châle de laine blanche bordé de pompons. La tête à la haute coiffure se renverse légèrement en arrière, le cou s'incurve, les épaules se soulèvent en un mouvement que trace, que gonfle et tend l'acquiescement, une soumission tendre, le reconnaissance, l'abandon...


L'ère du soupçon

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Cette crise de ce qu'on nomme avec une certaine ironie, en le plaçant entre guillemets comme entre des pincettes, "le psychologique", née, semble-t-il, de la condition de l'homme moderne, écrasé par une civilisation mécanique, "réduit, selon le mot de Mme Cl. Edm. Magny, au triple déterminisme de la faim, de la sexualité, de la classe sociale : Freud, Marx et Pavlov", semble avoir marqué cependant, pour les écrivains comme pour les lecteurs, une ère de sécurité et d'espoir.
  • L'ère du soupçon, Nathalie Sarraute, éd. Gallimard, coll. « Folio », 1956, De Dostoïevski à Kafka, p. 16


Ce que révèle, en effet, cette évolution actuelle du personnage de roman est tout à l'opposé d'une régression à un stade infantile. Elle témoigne, à la fois chez l'auteur et chez le lecteur, d'un état d'esprit singulièrement sophistiqué. Non seulement ils se méfient du personnage de roman, mais, à travers lui, ils se méfient l'un de l'autre. Il était le terrain d'entente, la base solide d'où ils pouvaient d'un commun effort s'élancer vers des recherches et des découvertes nouvelles. Il est devenu le lieu de leur méfiance réciproque, le terrain dévasté où ils s'affrontent. Quand on examine sa situation actuelle, on est tenté de se dire qu'elle illustre à merveille le mot de Stendhal : "le génie du soupçon est entré dans le monde". Nous sommes entrés dans l'ère du soupçon.
  • L'ère du soupçon, Nathalie Sarraute, éd. Gallimard, coll. « Folio », 1956, L'ère du soupçon, p. 63