Russie

pays eurasiatique souverain depuis 1991
Armoiries de la Fédération de Russie
Fiodor Vassiliev, Le dégel (1871)

Herbert George Wells, La Russie dans l'ombre

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Pourrait-on imaginer projet plus téméraire dans ce vaste pays de plaines, couvert de forêts, peuplés de paysans analphabètes, privé de sources d'énergie hydraulique, sans techniciens compétents, dans ce pays où le commerce et l'industrie sont près de s'éteindre ? Quel que soit le miroir magique que je regarde, je ne puis voir cette Russie de l'avenir, mas l'homme du Kremlin a ce don. À la place des chemins de fer détruits, il en voit surgir de neuf qui sont électrifiés, il voit des routes sillonner tous le pays, se dresser une puissance rénovées, heureuse, industrialisée, communiste.
  • H.G. Wells. Russia in the Shadows, Londres. Cités dans Lénine, vie et œuvre, Édition du progrès, Moscou (sans date)
  • La Russie dans l'ombre (1920), H.G. Wells cité par Henri Alleg. Russie : Le grand bond en arrière, éd. Delga et le Temps des Cerises, 2011 (3ème édition), p. 194


Joseph Kessel, Mémoires d'un commissaire du peuple

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La Russie est maintenant l'endroit du monde par excellence où tout ce que l'on veut peut se produire sans la moindre résistance. La Sainte Russie est un pays miséreux et dangeureux. Elle se réjouira de n'importe quelle issue, pourvu qu'on la lui montre. Ainsi, nous avons d'une part une classe de la société dont tout l'effort, toute l'ardeur sont tendus vers la destruction de l'ordre existant, qui critique, sape, mine et jette à bas l'édifice moral d'une nation. D'autre part, il y a d'élégants dégénérés, des jouisseurs impuissants, et surtout une foule obscure, faite d'instincts mal définis, où toutes les semences trouvent un terrain favorable.
  • Mémoires d'un commissaire du peuple, Joseph Kessel, éd. Gallimard, coll. « nrf », 1992, p. 199


Andreï Makine, la musique d'une vie, 1995

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Si je les réveillais et les interrogais sur leur vie, ils déclareraient san broncher que le pays est un paradis, à quelques retards de train près. Et si soudain le haut-parleur annonçait d'une voix d'acier le début d'une guerre, toute cette masse s'ébranlerait, prête à vivre cette guerre comme allant de soi, prête à souffrir, à se sacrifier, avec une acceptation toute naturelle de la faim, de la mort ou de la vie dans la boue de cette gare, dans le froid des plaines qui s'étendent derrière les rails.
Je me dis qu'une telle mentalité a un nom. un terme que j'ai entendu récemment dans la bouche d'un ami, auditeur clandestin des radios occidentales. une appellation que j'ai sur le bout de la langue et que seule la fatigue m'empêche de reproduire. Je me secoue et le mot, lumineux et définitif, éclate : « Homo sovieticus !  ».


Thomas Mann, La Montagne magique, 1931

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Il tombe sous le sens que la nonchalance [des Russes] à l'égard du temps est en rapport avec la sauvage immensité de leur pays. Où il y a beaucoup d'espace, il y a beaucoup de temps ; ne dit-on pas qu'ils sont le peuple qui « a le temps » et qui peut attendre ?
  • La Montagne magique (1931), Thomas Mann (trad. Maurice Betz), éd. Arthème Fayard, coll. « Le Livre de Poche », 1994, p. 363


Sylvain Tesson, Dans les forêts de Sibérie, 2011

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Les Russes, si fiers de l'intégrité de leur patrie, ne portent pas d'attention à cette coupe réglée. Gonflés de l'illusion de peupler un pays sans bornes, ils imaginent leur nature inépuisable. On devient plus vite écologiste dans la marqueterie des alpages suisses que mourant d'angoisse dans la vastitude de la plaine russe.


Sylvain Tesson, Berezina, 2015

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Ils sortaient de soixante-dix ans de joug soviétique. Ils avaient subi dix années d'anarchie eltsinienne. Aujourd'hui, ils se revanchaient du siècle rouge, revenaient à grands pas sur l'échiquier mondial. Ils disaient des choses que nous jugions affreuses : ils étaient fiers de leur histoire, ils se sentaient pousser des idées patriotiques, ils plébiscitaient leur président, souhaitaient résister à l'hégémonie de l'OTAN et opposaient l'idée de l'eurasisme aux effets très sensibles de l'euro-atlantisme. En outre, ils ne pensaient pas que les États-Unis avaient vocation à s'impatroniser dans les marches de l'ex-URSS. Pouah ! Ils étaient devenus infréquentables.


Sylvain Tesson, S'abandonner à vivre, 2014

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En regardant l'eau du fleuve caresser les flancs de la coque, je me disais que la Russie est aux nations ce que le hanneton est à l'Évolution : une aberration. Ce pays, au bord de l'écroulement, poursuit de siècle en siècle sa marche inaltérable. Il titube mais ne s'effondre pas.


Enseignement

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Cours de littérature européenne

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Vladimir Nabokov, Littératures, 1941-1958

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La Russie de cette époque n'était qu'un immense rêve : les masses dormaient – au sens figuré ; les intellectuels, eux, passaient des nuits blanches – au sens littéral – assis à bavarder ou simplement à méditer jusqu'à cinq heures du matin, puis ils allaient faire un tour. Il était bien vu de se jeter tout habillé sur son lit avant de sombrer das un profond sommeil et de se lever d'un bond. En général, les jeunes filles de Tourguéniev excellent dans l'art de sauter du lit pour plonger dans leur crinoline, s'asperger le visage d'eau froide et se précipiter dans le jardin, aussi fraîches que des roses, vers l'inévitable rendez-vous sous la tonnelle.
  • Littératures (1980), Vladimir Nabokov (trad. Marie-Odile Fortier-Masek), éd. Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2010, partie Littératures II, Ivan Tourguéniev (1818-1883), p. 607


Avant d'aller en Allemagne, Roudine avait étudié à l'université de Moscou. Un de ses amis nous parle ainsi de leur jeunesse : « Une demi-douzaine de jeunes gens, une seule et unique chandelle de suif [...], le thé le meilleur marché, de vieux biscuits secs [...], mais nos regards flamboient, nos joues sont empourprées, notre cœur bat [...] et nous parlons de Dieu, de la Vérité, de l'Avenir et l'Humanité, de la Poésie – nous disons parfois des sottises, mais qu'importe ! »
  • Littératures (1980), Vladimir Nabokov (trad. Marie-Odile Fortier-Masek), éd. Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2010, partie Littératures II, Ivan Tourguéniev (1818-1883), p. 607


La Russie d'aujourd'hui, pays d'honnêtes abrutis, d'esclaves souriants et de tyrans impassibles, a cessé de remarquer le « pochlisme » de son propre cru, mélange de despotisme et de pseudo-culture ; autrefois, un Gogol, un Tolstoï, un Tchekhov en quête d'une vérité simple distinguaient sans peine le côté vulgaire des choses et n'étaient pas dupes des systèmes frelatés de pseudo-pensée. Mais on trouve des « pochlistes » partout, dans tous les pays, en Amérique aussi bien qu'en Europe – d'ailleurs, le « pochlisme » est plus courant en Europe qu'aux États-Unis, malgré la publicité américaine.
  • Littératures (1980), Vladimir Nabokov (trad. Marie-Odile Fortier-Masek), éd. Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2010, partie Littératures II, p. 896