« François Mitterrand » : différence entre les versions

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====''Aux frontières de l'Union française''====
{{citation|citation=[...] Mais l'[[Afrique]] aime la France et espère d'elle son unité, son équilibre, son idéal. En soudant nos possessions continentales, la [[w:bataille de Kousseri|bataille de Kousseri]], l'une des plus décisives de notre Histoire, a rendu possible une construction homogène. Tout est à faire cependant et tout de suite. Deux pays protégés, deux pays sous tutelle, douze territoires d'outre-mer, trois départements réclament une économie complémentaire, une société harmonieuse, des institutions réalistes et libérales. De nouvelles métropoles s'éveillent, telles qu'[[w:Abidjan|Abidjan]], [[w:Fort-Lamy|Fort-Lamy]], [[w:Douala|Douala]], et prétendent à la direction de vastes régions adaptées aux besoins économiques mieux que les fédérations actuelles, étalées sur des distances excessives. [...] Le fer, le manganèse, le charbon, l'or, le diamant, le cuivre, la bauxite, les salines, les phosphates, peut-être l'uranium, peut-être le pétrole, dictent à l'Afrique noire ses premiers refus. Pendant des siècles on lui a volé ses hommes et ses biens. Maintenant, elle veut vivre à égalité.}}
{{Réf Livre
|titre=Aux frontières de l'Union française
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====''Présence française et abandon''====
{{citation|citation=La politique de force alla jusqu’àjusqu'à son terme en [[w:Indochine|Indochine]] : ce terme s’appelles'appelle [[w:Bataille de Diên Biên Phu|Dien Bien Phu]]. En [[w:Tunisie|Tunisie]], par contre, elle quitta la scène juste avant l’aboutissementl'aboutissement logique qu’annonçaientqu'annonçaient ses échecs, et la politique de réformes qui lui succéda [''[en 1954]''] put nourrir l’illusionl'illusion qu’ellequ'elle était venue à temps pour sauver la présence française. Mais il était déjà trop tard. La politique de réforme en Tunisie comme la politique de paix en Indochine ne se dressaient plus que sur les ruines accumulées par ce qu’on continue d’appeler curieusement la politique de force.}}
{{Réf Livre
|titre=Présence française et abandon
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|année=1957}}
 
{{citation|citation=La politique de force n’étaitn'était pas assez sûre d’elled'elle sans doute pour s’engagers'engager sur tous les fronts avec une égale ardeur. Peut-être avait-elle peur aussi du jugement de l’Histoirel'[[Histoire]] ? Sa démarche incertaine, incohérente, plus faible que la faiblesse, la condamnait à suivre, comme au chemin de croix de la France, les itinéraires de l’abandonl'abandon. Mais elle ne voulait pas livrer l’aveul'aveu de son échec. Elle avait besoin d’êtred'être respectable. Après avoir tout perdu, tout saccagé, tout abandonné, il lui restait au moins une bataille à gagner : que la France n’enn'en sache rien.}}
{{Réf Livre
|titre=Présence française et abandon
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==== ''[[w:Le Coup d'État permanent|Le Coup d'État permanent]]'' ====
{{citation|citation=Fidèle exécutant des consignes du seul homme qu'il se reconnaissait pour chef [''[[Charles de Gaulle]]''], l’amirall'amiral [[w:Georges Thierry d'Argenlieu|Thierry d'Argenlieu]], en sabordant la [[w:conférence de Fontainebleau|conférence ''[1946de Fontainebleau]]'', avait enfoncé la France dans la tragique nuit des guerres [[Colonisation|coloniales]]. Assez lucides pour deviner que la politique de force serait en fin de compte trop faible pour résoudre les problèmes posés par la révolte des peuples sous tutelle, les dirigeants républicains ne furent pas assez courageux pour dénoncer les mensonges d'un néo-nationalisme dévoyé qui prétendait assumer les conquêtes du colonialisme. Quand ils virent ce nationalisme endosser l'uniforme et coiffer le képi d'un général expert à fabriquer des [[w:Appel du 18 juin|18 juin]] en série, ils n'osèrent pas le déshabiller. À [[w:Saigon|Saigon]], le gaullisme fut avec d'Argenlieu, et contre [[Philippe Leclerc de Hauteclocque|Leclerc]], du côté de la guerre. […] Nulle part mieux qu'en Afrique noire le comportement des compagnons du général de Gaulle, ultras parmi les ultras, ne révéla davantage leur véritable identité politique. Ils y semèrent la haine, entretinrent le désordre, fomentèrent la guerre civile.}}
nationalisme endosser l'uniforme et coiffer le képi d'un général expert à fabriquer des 18 juin en série, ils n'osèrent pas le déshabiller. À Saigon, le gaullisme fut avec d'Argenlieu, et contre Leclerc, du côté de la guerre. […] Nulle part mieux qu'en Afrique noire le comportement des compagnons du général de Gaulle, ultras parmi les ultras, ne révéla davantage leur véritable identité politique. Ils y semèrent la haine, entretinrent le désordre, fomentèrent la guerre civile.}}
{{Réf Livre
|titre=Le Coup d'État permanent
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|année=1965}}
 
{{citation|citation=Il existe dans notre pays une solide permanence du [[Napoléon Ier|bonapartisme]], où se rencontrent la vocation de la grandeur nationale, tradition monarchique, et la passion de l’unité nationale, tradition jacobine.}}
{{Réf Livre
|titre=Le Coup d'État permanent
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|année=1965}}
 
{{citation|citation=J'appelle le régime gaulliste dictature parce que, tout compte fait, c'est à cela qu'il ressemble le plus, parce que c'est vers un renforcement continu du pouvoir personnel qu'inéluctablement, il tend, parce qu'il ne dépend plus de lui de changer de cap. Je veux bien que cette dictature s’instaures'instaure en dépit de De Gaulle. Je veux bien, par complaisance, appeler ce dictateur d’und'un nom plus aimable : consul, podestat, roi sans couronne, sans chrême et sans ancêtres. Alors, elle m’apparaîtm'apparaît plus redoutable encore. Peut-être, en effet, de Gaulle se croit-il assez fort pour échapper au processus qu’ilqu'il a de son propre mouvement engagé. Peut-être pense-t-il qu’ilqu'il n’auran'aura pas de dictature sans dictateur, puisqu’ilpuisqu'il se refuse à remplir cet office. Cette conception romantique d’uned'une société politique à la merci de l’humeurl'humeur d’und'un seul homme n’étonneran'étonnera que ceux qui oublient que de Gaulle appartient plus au XIX{{e}} siècle qu’auqu'au XX{{e}}, qu’ilqu'il s’inspires'inspire davantage des prestiges du passé que des promesses de l’avenirl'avenir. Ses hymnes à la jeunesse, ses élégies planificatrices, ont le relent ranci des compliments de circonstance. Sa diplomatie se délecte à recomposer l’Europel'[[w:Traités de Westphalie|Europe de Westphalie]]. Ses audaces sociales ne vont pas au-delà de l’l'''[[w:Extinction du paupérisme|Essai sur l’extinctionl'extinction du paupérisme]]''. Au rebours de ses homélies “sur« sur le progrès”progrès », les hiérarchies traditionnelles, à commencer par celle de l’argentl'argent, jouissent sous son règne d’aisesd'aises que la marche accélérée du siècle leur interdisait normalement d’escompterd'escompter.}}
{{Réf Livre
|titre=Le Coup d'État permanent
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}}
 
{{citation|citation=L’EuropeL'Europe abstraite, forme géométrique dessinée sur un papier blanc, c’estc'est la caricature qu’enqu'en donnent ses détracteurs. La véritable Europe a besoin des patries comme un corps vivant de chair et de sang. Ses fondateurs l’ontl'ont souhaitée ainsi. Ses fidèles ne l’aimeraientl'aimeraient pas autrement. […] Une France nationaliste oblige ses partenaires ou bien à l’imiterl'imiter et donc à s’isolers'isoler, ou bien à s’abolirs'abolir dans un atlantisme qui, sous le couvert du « plus grand occident », étouffera ce que la civilisation de l’Europel'Europe contient d’irremplaçabled'irremplaçable.}}
{{Réf Livre|titre=Le Coup d'État permanent
|auteur=François Mitterrand
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|chapitre=II}}
 
{{citation|citation=Mais le général de Gaulle conçoit, médite, décide, hors des précédents et des jurisprudences, étranger au dialogue. […] Qui s’ens'en plaindra ? Que lui importent les quelques milliers de lecteurs d’und'un livre comme celui-ci, les clubs protestataires, les cellules dispersées de l’oppositionl'opposition ? Que lui importe un Parlement dont la majorité abdique ses devoirs ? Que lui importent les engagements pris avant lui par les dirigeants de son pays, avec nos associés et avec nos alliés ? Que lui importent les raisons de vivre et d’espérerd'espérer d’uned'une coexistence pacifique courageusement admise par les responsables soviétiques ? Que lui importent les routes sur lesquelles d’autresd'autres que lui ont déjà mis leurs pas ? La politique extérieure de la France n’appartientn'appartient plus à la Nation mais à un seul homme, et pis, à un homme seul. On dit que c’estc'est la marque du gaullisme. Pourquoi pas ? Le gaullisme, après tout, n’estn'est peut-être qu’unqu'un [[poujadisme]] aux dimensions de l’universl'univers.}}
{{citation|citation=Mais le général de Gaulle conçoit, médite, décide, hors des précédents et des jurisprudences, étranger au dialogue. […]
Qui s’en plaindra ? Que lui importent les quelques milliers de lecteurs d’un livre comme celui-ci, les clubs protestataires, les cellules dispersées de l’opposition ? Que lui importe un Parlement dont la majorité abdique ses devoirs ? Que lui importent les engagements pris avant lui par les dirigeants de son pays, avec nos associés et avec nos alliés ? Que lui importent les raisons de vivre et d’espérer d’une coexistence pacifique courageusement admise par les responsables soviétiques ? Que lui importent les routes sur lesquelles d’autres que lui ont déjà mis leurs pas ? La politique extérieure de la France n’appartient plus à la Nation mais à un seul homme, et pis, à un homme seul. On dit que c’est la marque du gaullisme. Pourquoi pas ? Le gaullisme, après tout, n’est peut-être qu’un poujadisme aux dimensions de l’univers.}}
{{Réf Livre|titre=Le Coup d'État permanent
|auteur=François Mitterrand
Ligne 87 ⟶ 85 :
|année=1965}}
 
{{citation|Le “secteur« réservé”secteur réservé » viole la [[w:Constitution française du 4 octobre 1958|Constitution]]. En interprétant abusivement l'[[w:Article 15 de la Constitution de la Cinquième République française|article 15]], qui fait de lui le “chef« chef des armées”armées » et l'[[Article 52 de la Constitution de la Cinquième République française|article 52]], qui l'autorise à négocier et à ratifier les traités, de Gaulle a fait passer sous sa seule autorité la Défense nationale et les Affaires étrangères.}}
{{Réf Livre
|titre=Le Coup d'État permanent
Ligne 98 ⟶ 96 :
}}
 
{{citation|citation=Face à la loi que votent les représentants du peuple se dresse désormais le « règlement autonome » qu'édicte le gouvernement, lui-même inspiré par le chef de l’Étatl'État. Deux pouvoirs légiférants coexistent. Quant au juge de leurs conflits, si quelqu'un toutefois ose en appeler devant lui d’und'un manquement ou d'une forfaiture, ce sera ou bien le Conseil constitutionnel, le plus domestique des corps domestiques du général de Gaulle, ou bien le peuple — saisi par référendum à l'initiative du général de Gaulle d’uned'une ou de plusieurs questions rédigées par le général de Gaulle, au gré d’uned'une procédure inventée par le général de Gaulle.}}
{{Réf Livre|titre=Le Coup d'État permanent
|auteur=François Mitterrand
Ligne 105 ⟶ 103 :
|année=1965}}
 
{{citation|citation=Entreprendrai-je la défense du Parlement en un temps où il est de bon ton de le moquer ? Je le ferai dans la mesure où l'existence d'un Parlement digne de ce nom garantit les libertés des citoyens et le règne de la loi. Ce n’estn'est pas flatter la [[w:Quatrième République (France)|IVe République]] que critiquer la Ve. Les erreurs commises par l'ancien régime n'excusent pas les fautes du nouveau. Si l'instabilité du gouvernement dans le système parlementaire que nous avons connu a causé sa ruine, la déplorer, la condamner n'oblige pas à vanter les mérites d'une réforme qui a pallié la crise chronique d’autoritéd'autorité en organisant la toute-puissance d'une autorité abusive.}}
toute-puissance d’une autorité abusive.}}
{{Réf Livre|titre=Le Coup d'État permanent
|auteur=François Mitterrand
Ligne 113 ⟶ 110 :
|année=1965}}
 
{{citation|citation=Une formidable valse de conseils d'administration sollicite constamment les principaux leaders du parti majoritaire. Les banques d'affaires et le gouvernement échangent et se prêtent leurs hommes. Les monopoles, grâce aux interférences technocratiques, animent une immense entreprise de corruption. Dénoncer ces pratiques expose certes à recevoir des coups. Mais décrire le processus qui commande l'évolution de la Ve République en omettant cet aspect des choses serait complicité. Le gaullisme c'est malheureusement aussi cela. L'homme qui l'incarne et qui reste étranger à ces manœuvres les supporte car son régime en vit.}}
choses serait complicité.
Le gaullisme c'est malheureusement aussi cela. L'homme qui l'incarne et qui reste étranger à ces
manœuvres les supporte car son régime en vit.}}
{{Réf Livre|titre=Le Coup d'État permanent
|auteur=François Mitterrand
Ligne 123 ⟶ 117 :
|année=1965}}
 
{{citation|citation=Notre génération, qui connut la [[w:Gestapo|Gestapo]], les [[w:Camps de concentration nazis|camps de déportation]], la [[w:Milice française|Milice]], avait un instant compris que le léger vernis de la civilisation occidentale était à la merci d'un choc. [[Hitler]] avait donné ce choc et tout avait craqué. Mais Hitler mort, chacun s'était remis à vivre comme si rien ne s'était passé. La [[torture]], pensait-on, était un produit allemand, ou plutôt un produit nazi. Puis, il y eut le [[w:XXe congrès du Parti communiste de l'Union soviétique|XX{{e}} congrès du parti communiste russe]], et ses révélations sur les crimes de [[Staline]]. Puis, il y eut le scandale des [[Guerre d'Algérie|tortures en Algérie]]. On avait beau se rassurer en répétant : « C'est la faute à la guerre, c'est la faute à la dictature », on sentait qu'Hitler avait, d'une certaine façon, gagné son pari en lâchant sa gangrène sur le monde.}}
{{Réf Livre
|titre=Le Coup d'État permanent
Ligne 131 ⟶ 125 :
|année=1965}}
 
{{citation|citation=Un dictateur, en effet, n’an'a pas de concurrent à sa taille tant que le peuple ne relève pas le défi.}}
{{Réf Livre
|titre=Le Coup d'État permanent
Ligne 140 ⟶ 134 :
 
{{citation|citation=S'attaquer au gaullisme sur le plan de ses actes ne suffit pas car plus qu'une politique le gaullisme
est une mythologie. ''[…]'' Elle ''[l’opinionl'opinion publique]'' préfère encore le mythe du père (de Gaulle se charge de tout), le mythe du bonheur (de Gaulle conjure les sorts), le mythe du prestige (le monde jalouse la France qui possède de Gaulle), le mythe de la prospérité (grâce à de Gaulle nous serons bientôt cent millions, le franc vaincra le dollar) à la froide réalité d'un bilan. Mais sur ce plan non plus les républicains ne sont pas démunis. Au régime vieillot qui s’applique à perpétuer une société agonisante ils peuvent opposer la promesse féconde d’un monde nouveau où la loi, sage et hardie, fera du peuple son propre maître. Ils ont de leur côté la liberté et la justice. S’ils l'osent, ils auront l'espérance.}}
{{Réf Livre
|titre=Le Coup d'État permanent