Giacomo Leopardi
Giacomo Leopardi, né le 29 juin 1798 à Recanati et mort le 14 juin 1837 à Naples, est un poète, philosophe, écrivain, moraliste et philologue italien.
Poésie
modifier- Voir aussi : L’infini
Non, je ne connais pas de métier plus honteux,
Plus sot, plus dégradant pour la pensée humaine
Que de se mettre ainsi la cervelle à la gêne,
Pour écrire trois mots quand il n’en faut que deux,
Traiter son propre cœur comme un chien qu’on enchaine,
Et fausser jusqu’aux pleurs que l’on a dans les yeux.
- La vie du poète
Ton manteau est superbe, ô ciel divin, et tu es superbe, terre pleine de rosée. Hélas ! de cette beauté infinie les dieux et le sort impie n’ont donné aucune part à la malheureuse Sapho.
- Dernier chant de Sapho
-Il me revient à l’esprit, le jour où je sentis pour la première fois l’assaut de l'amour et où je dis : Hélas ! si c’est l'amour, comme il fait souffrir.
-Les yeux à toute heure tournés et fixés vers le sol, je regardais celle qui la première et innocemment ouvrit l’entrée de ce cœur.
-Ah ! comme tu m'as mal gouverné, amour ! Pourquoi une si douce passion devait-elle apporter avec elle tant de désir, tant de douleur ?
-Pourquoi ce plaisir si grand me descendait-il dans le cœur, non pas serein, entier et libre, mais plein de souffrance et de lamentation ?
[…]
-L'image immaculée et candide qui était peinte dans mon âme, je craignais de la troubler, comme le vent trouble l'onde d'un lac.
-Et ce remords de n’avoir pas joui pleinement, qui alourdit l'âme et change en poison le plaisir qui est passé.
[…]
-Au ciel et à vous, âmes nobles, je jure que aucun désir ne m’entra dans le cœur, que je brulai d’un feu pur de toute souillure.
-Ce feu vit encore, ma passion vit, et elle respira dans ma pensée la belle image de celle qui me donna jamais que des plaisirs célestes,
Et je m’en contente.
- Le premier amour
Là, quand midi passe dans le ciel, le soleil reflète sa tranquille image, le vent n’agite ni herbe ni feuille ; point d’onde qui se ride ; point de cigale qui chante, point d’oiseau qui batte de l'aile sur une branche, point de vol de papillon ; on n'entend pas une voix, on ne voit pas un mouvement de près ou de loin.
- La vie solitaire
Pensées
modifierJe me suis longtemps refusé à tenir pour vrai ce que je vais dire, car compte tenu de la singularité de ma nature et du fait que l’on tend toujours à juger les autres d’après soi-même, je n’ai jamais été porté à haïr les hommes, mais au contraire à les aimer.
C’est l’expérience qui, non sans résistance de ma part, a fini par me convaincre ; mais je suis sûr que les lecteurs rompus au commerce des hommes, reconnaitront la justesse de mes propos ; tous les autres les trouveront excessifs, jusqu’au jour où l’expérience, s'ils ont jamais l'occasion de faire réellement l'expérience de la société humaine, leur ouvrira les yeux à leur tour.
- Pensées (texte en ligne), Giacomo Leopardi, éd. Allia, 1994 pour la traduction, p. 7
J'affirme que le monde n'est que l'association des coquins contre les gens bien, des plus vils contre les plus nobles.
- Pensées (texte en ligne), Giacomo Leopardi, éd. Allia, 1994 pour la traduction, p. 7
Rare sont les coquins qui restent pauvres, car pour ne citer qu'un exemple, si un homme de bien tombe dans la misère, nul ne vient le secourir et nombreux même sont ceux qui s'en réjouissent ; mais si c'est à un scélérat que cela arrive, toute la ville se lève pour l'aider.
- Pensées (texte en ligne), Giacomo Leopardi, éd. Allia, 1994 pour la traduction, p. 9
Petites œuvres morales
modifierLA MORT. - Finalement, je veux bien croire que tu es ma sœur et, si cela peut te faire plaisir, j'y crois plus qu'à la mort même, sans que tu ailles pour autant me rayer de l'état civil! Mais à rester ainsi sans bouger, je vais m'évanouir. Si le cœur t'en dit, essaie de courir à mes côtés, en tâchant cependant de ne pas crever, car je suis plutôt rapide. Tout en courant, tu pourras me dire ce que tu attends de moi; sinon, eu égard à notre parenté, je te promets de te laisser, lorsque je mourrai, la totalité de mes biens.
- Petites œuvres morales (texte en ligne), Giacomo Leopardi, éd. Allia, 1992 pour la traduction, p. 25
Dialogue d’un physicien et d’un métaphysicien
modifierMetaphysicien : Écoute plutôt ce que je vais te dire : procure-toi une cassette en plomb, enfermes-y ton livre, enterre-le bien et n’oublie pas avant de mourir de signaler l’endroit où l’on pourra le retrouver lorsqu’on aura découvert l’art de vivre heureux.
Physicien : Et en attendant ?
Metaphysicien : En attendant, il ne sert à rien. J’en ferais plus de cas s’il enseignait l’art de mourir jeune.
physicien : Celui là, ça fait longtemps qu’on le connait, et on pas eu de mal à le découvrir.
Metaphysicien : En tout cas, je le préfère au tien.
physicien : Pourquoi donc ?
Metaphysicien : Parce que si la vie n’est pas heureuse, et jusqu’ici elle ne l’a guère été, il vaut mieux qu’elle soit courte.
physicien : Pas du tout, la vie est un bien en elle même, que tout le monde recherche et aime naturellement.
- Dialogue d’un physicien et d’un métaphysicien, Petites œuvres morales, Giacomo Leopardi, éd. Allia, 1992 pour la traduction, p. 70-71
Metaphysicien :…Que chacun pense et agisse à sa guise, la mort ne manquera pas d’en faire autant.
Dialogue d’un physicien et d’un métaphysicien, Petites œuvres morales[1], Giacomo Leopardi, éd. Allia, 1992 pour la traduction, p. 76