Révolution

changement brutal qui arrive dans les choses du monde, dans les opinions, etc.

Une révolution est un changement important et rapide dans la vie d'un peuple. Ces changements peuvent concerner aussi bien des aspects sociaux ou politiques que des aspects économiques ou techniques. Par extension, le mot désigne tout changement qui bouleverse l'ordre établi dans un domaine quelconque

Philosophie

modifier

Raymond Aron

modifier
Moins l'intelligence adhère au réel, plus elle rêve de révolution.


Histoire

modifier

Joseph de Maistre, Considérations sur la France, 1796

modifier
On ne saurait trop le répéter, ce ne sont point les hommes qui mènent la révolution, c'est la révolution qui emploie les hommes.
  • Du Pape et extraits d'autres œuvres, Textes de Joseph de Maistre présentés et choisis par E. M. Cioran, éd. J.-J. Pauvert, coll. « Libertés », 1957, p. 196


Prosper-Olivier Lissagaray, Huit journées de mai derrière les barricades, 1871

modifier
Il fallait être ou n'être pas pour cette Révolution. La lâcheté seule se tint au milieu. Les socialistes véritables le comprirent et, certains de la catastrophe, ils voulurent du moins faire triompher leur cause par le mépris de la mort.


La révolution n'est pas la révolution lorsqu'elle agit en despote et lorsque, au lieu de provoquer la liberté dans les masses, elle provoque la réaction en leur sein.

Littérature

modifier

Bandes dessinées

modifier

Hugo Pratt, Les Scorpions du désert, intégrale

modifier

Koïnsky : En vérité, je ne te comprends pas, Cush, tu parles de « Révolution » et puis tu te conduis comme un conservateur immuable.
Cush : C’est peut-être vrai, mais je n’y peux rien…

  • Les Scorpions du désert, intégrale, Hugo Pratt, éd. Castermann, 2021  (ISBN 978-2-203-20828-5), p. 96


Critique

modifier

Charles-Augustin Sainte-Beuve, Portraits de Femmes, 1844

modifier
Il n'est pas en révolution de période plus heureuse, selon elle, c'est-à-dire plus à la merci des efforts et des sacrifices intelligents, que celle où le fanatisme s'applique à vouloir l'établissement d'un gouvernement dont on n'est plus séparé, si les esprits sages y consentent, par aucun nouveau malheur. [Mai 1835]


[...] cette confusion des lieux de peur et des lieux de plaisir dans l'imaginaire européen, qui donne à chacun l'occasion de se rendre fantasmatiquement maître de l'espace destiné à l'asservissement du nombre, préfigure paradoxalement la fête révolutionnaire alors conçue comme « l'éveil d'un sujet collectif qui naît à lui-même, et qui se perçoit en toutes ses parties, en chacun de ses participants ». Et quand la première fête révolutionnaire aurait été la prise de la Bastille, c'est-à-dire la prise de possession collective d'un lieu clos ou bien l'abolition d'un décor qui sépare, le roman noir propose la même fête, mais à l'intérieur d'un décor où la séparation ne se serait maintenue que pour exalter la souveraineté de tous ceux qui s'en rendent fantasmatiquement maîtres. Ainsi niant à la fois le caractère exclusif de la fête aristocratique et le caractère collectif de la fête révolutionnaire, l'architecture noire ouvre un espace de subversion où le nombre délimite négativement le champ d'affirmation de l'unique pour en faire une prison, de même que l'unique y vient nier la possibilité d'un plaisir partagé, excluant tout ce qui s'oppose à sa propre satisfaction. Car illustrant l'idée fort répandue en cette fin de siècle que « l'extrême liberté de quelques-uns attente à la liberté de tous », les demeures du roman noir exposent aussi que la liberté de tous porte atteinte à la liberté de chacun dont elles esquissent les perspectives illimitées.
  • Annie Le Brun cite ici à deux reprises Jean Starobinski (in l'Invention de la liberté).
  • Les châteaux de la subversion, Annie Le Brun, éd. Garnier Frères, coll. « Folio Essais », 1982  (ISBN 2-07-032341-2), partie III, Sans lieu ni date, p. 222


Je n'oublie pas que les premières manifestations du roman noir sont liées aux conquêtes de la Révolution anglaise de 1688 et déjà au rejet du catholicisme. Cependant, la réalité beaucoup plus violente de la Révolution française, surtout en ce qui concerne la question religieuse, permet de voir le véritable enjeu, celui de la souveraineté individuelle s'opposant à toute transcendance spirituelle ou temporelle.
  • Les châteaux de la subversion, Annie Le Brun, éd. Garnier Frères, coll. « Folio Essais », 1982  (ISBN 2-07-032341-2), partie III, Sans lieu ni date, p. 232


Écrit intime

modifier

Victor Hugo, Choses vues, 1830-1848

modifier
Les révolutions sont de magnifiques improvisatrices. Un peu échevelées quelquefois.
  • « Choses vues » (1830), dans Choses vues 1830-1848, Victor Hugo, éd. Gallimard, coll. « Folio classique », 1972, p. 105


En France, il y a toujours une révolution possible à l'état de calorique latent.
  • « Choses vues » (1848), dans Choses vues 1830-1848, Victor Hugo, éd. Gallimard, coll. « Folio classique », 1972, p. 597


Louise Michel, Mémoires, 1883

modifier
La Révolution sera la floraison de l’humanité comme l’amour est la floraison du cœur.
  • Mémoires de Louise Michel, écrits par elle-même, Louise Michel, éd. F. Roy, libraire-éditeur, 1886, chap. Chapitre XII, p. 389-398 (texte intégral sur Wikisource)


Salvador Dali, Les moustaches radar, 1964

modifier
Nous entrons dans l'ère de la grande peinture. Quelque chose s'est achevé en 1954 avec la mort de ce peintre d'algue tout juste bon à favoriser la digestion bourgeoise, je veux dire Henri Matisse, peintre de la révolution de 1789.
  • Les moustaches radar (1956), Salvador Dali, éd. Gallimard, coll. « Folio », 2008  (ISBN 9782070317004), p. 31-32


Quel est l'homme qui désire le plus vivement une révolution ? N'est-ce pas celui dont l'existence actuelle est misérable ? Quel est l'homme qui aura le plus d'audace à bouleverser l'État ? N'est-ce pas celui qui ne peut qu'y gagner, parce qu'il n'a rien à perdre ?


Pascal Duprat, L'esprit des révolutions, 1879

modifier
Il arrive presque toujours un moment dans la vie des peuples où le gouvernement n’a plus qu’à choisir entre la réforme et la Révolution. […] Fermer la porte aux réformes de quelque manière que ce soit, c’est l’ouvrir en même temps aux révolutions. On ne saurait écarter à la fois les unes et les autres. Plusieurs gouvernements l’ont essayé ; mais cette chimère les a toujours perdus.
  • Pascal Duprat : sa vie, son œuvre, Toussaint Nigoul, éd. Dentu, 1887, p. 263 (lire en ligne)


Une révolution est dans l'État ce qu'est une tempête dans la nature. Son passage est souvent marqué par des ruines, dont quelques-unes méritent le respect des foules, et valent la peine d'être contemplées. Il arrive souvent aussi qu'elle laisse après elle, au milieu même de ces ruines, des effluves de sève et de vie qui rajeunissent et fortifient le corps politique.
  • Pascal Duprat : sa vie, son œuvre, Toussaint Nigoul, éd. Dentu, 1887, p. 263 (lire en ligne)


Toute Révolution qui introduit un droit ou une liberté dans le monde, peut et doit être considérée comme légitime, car elle aggrandit le patrimoine de l'humanité. Elle lui donne de nouvelles forces et comme de nouveaux organes pour l'aider à remplir le rôle qui lui est assigné dans l'ordre universel.
  • Pascal Duprat : sa vie, son œuvre, Toussaint Nigoul, éd. Dentu, 1887, p. 265 (lire en ligne)


Il y a des fanatiques de mouvement comme des fanatiques de repos et d'immobilité. Les premiers approuvent naturellement toutes les révolulions et les seconds les condamnent toutes. Ce sont deux sortes d'esprit également faux. Ils ont perdu, les uns et les autres, le droit de juger les choses humaines.
  • Pascal Duprat : sa vie, son œuvre, Toussaint Nigoul, éd. Dentu, 1887, p. 265 (lire en ligne)


Voulez-vous perdre à coup sùr une Révolution ? Livrez-la à des poètes qui chanteront au Heu d'agir. Le temps est passé malheureusement où l'on bâtissait les cités au son de la lyre.
  • Pascal Duprat : sa vie, son œuvre, Toussaint Nigoul, éd. Dentu, 1887, p. 266 (lire en ligne)


On voit souvent le pouvoir issu d'une Révolution, préparer lui-même sa chute par un retour imprudent aux formes anciennes.
  • Pascal Duprat : sa vie, son œuvre, Toussaint Nigoul, éd. Dentu, 1887, p. 266 (lire en ligne)


Boris Vian, Utilité d'une littérature érotique, 1980

modifier
[...] puisque l'amour, qui est tout de même, je le répète, le centre d'intérêt de la majorité des gens sains, est barré et entravé par l'État, comment s'étonner que la forme actuelle du mouvement révolutionnaire soit la littérature érotique ?
  • Ecrits pornographiques précédés de l'Utilité d'une littérature érotique, Boris Vian, éd. Le Livre de Poche, 1980  (ISBN 978-2-253-14431-1), I. Utilité d'une littérature érotique, p. 35


Oui, les vrais propagandistes d'un ordre nouveau, les vrais apôtres de la révolution future, future et dialectique, comme de bien entendu, sont les auteurs dits licencieux. Lire des livres érotiques, les faire connaître, les écrire, c'est préparer le monde de demain et frayer la voie de la vraie révolution.
  • Ecrits pornographiques précédés de l'Utilité d'une littérature érotique, Boris Vian, éd. Le Livre de Poche, 1980  (ISBN 978-2-253-14431-1), I. Utilité d'une littérature érotique, p. 35


Jacques Ellul, Les Années personnalistes, 1935

modifier
Actuellement, toute révolution doit être immédiate, c’est-à-dire qu’elle doit commencer à l’intérieur de chaque individu par une transformation de la façon de juger (ou pour beaucoup par une éducation de leur jugement) et par une transformation de leur façon d’agir. C’est pourquoi la révolution ne peut plus être un mouvement de masse et un grand remue-ménage (…) ; c’est pourquoi il est impossible actuellement de se dire révolutionnaire sans être révolutionnaire, c’est-à-dire sans changer de vie. (…) Nous verrons le véritable révolutionnaire, non pas dans le fait qu’il prononce un discours sur une charrette à foin mais dans le fait qu’il cesse de percevoir les intérêts de son argent.
  • Les Années personnalistes (1935), Cahiers Jacques-Ellul n°1, éd. L'Esprit du Temps, 2004, p. 81-94


Joseph Ki-Zerbo, À quand L'Afrique ? Entretien avec René Holenstein, 2003

modifier
La révolution, c'est le contre-pied de l'existant. C'est non seulement tourner la page, mais changer de dictionnaire.
  • À quand L'Afrique ? Entretien avec René Holenstein, Joseph Ki-Zerbo, éd. Éditions d'en bas, coll. « Le Livre équitable », 2013  (ISBN 978-2-8290-0456-8), p. 17


Prose poétique

modifier

Robert Desnos, Deuil pour deuil, 1924

modifier
Régulièrement après chaque révolution les drapeaux du régime ancien oubliés sur des édifices dont l'usage doit changer avant peu s'envolent comme des cigognes.


L'idée de diriger un jour une communauté tout entière et l'éducation de deux cents jeunes filles, toujours renouvelées et recrutées dans les premiers rangs de la société, s'empara de moi comme la seule qui pût me conduire à un but digne d'efforts. Si je pouvais, me disais-je, infiltrer dans ces jeunes cœurs les sentiments dont le mien déborde ; si, au lieu de la morgue et de la vanité dont on les nourrit, je parvenais à les pénétrer des principes d'une égalité vraie ; si j'allumais dans leur âme un pur et enthousiaste amour du peuple, jaurais fait une révolution... Ce mot me donnait le vertige.


Notre pays, me disais-je, depuis la dernière révolution, n'a pas repris son équilibre. Deux classes de la société, la noblesse et le peuple, sont en proie à de vives souffrances ; l'une subit un mal imaginaire, l'autre un mal réel ; la noblesse, parce qu'elle se voit dépouillée de ses privilèges et de ses honneurs par une bourgeoisie arrogante ; le peuple, parce que le triomphe de cette bourgeoisie, amenée par lui au pouvoir, n'a été qu'une déception cruelle. Il commence à regretter, par comparaison, ses anciens maîtres. Comme il lit peu l'histoire, il ne se souvient que des manières affables et des largesses du grand seigneur. Pourquoi ces deux classes, éclairées par l'expérience, ne s'entendraient-elles pas contre leur commun adversaire ? Pourquoi les instincts courageux du peuple, l'esprit d'honneur de la noblesse, ne triompheraient-ils pas d'une bourgeoisie égoïste et déjà énervée par le bien-être ?


Autrement gênant est de s'arracher à la contemplation de cette espèce autochtone, je crois, de sempervivum qui jouit de la propriété effrayante de continuer à se développer en n'importe quelles conditions et cela aussi bien à partir d'un fragment de feuille que d'une feuille : froissée, piquée, déchirée, brûlée, serrée entre les pages d'un livre à tout jamais fermé, cette écaille glauque dont on ne sait s'il convient en fin de compte de la serrer contre son cœur ou de l'insulter, se porte bien. Elle tente, au prix de quels révoltants efforts, de se reconstruire selon les probabilités détruites qui sont les siennes.
Elle est belle et confondante comme la subjectivité humaine, telle qu'elle ressort plus ou moins hagarde des révolutions de type égalitaire. Elle est non moins belle, non moins inextirpable que cette volonté désespérée d'aujourd'hui, qui peut être qualifiée de surréaliste aussi bien dans le domaine des sciences particulières que dans le domaine de la poésie et des arts, d'opérer à chaque instant la synthèse du rationnel et du réel, sans crainte de faire entrer dans le mot « réel » tout ce qu'il peut contenir d'irrationnel jusqu'à nouvel ordre. Elle n'est pas plus belle, elle n'est pas plus pauvre de raisons d'être et plus riche de devenir que la séparation dans l'amour, si courte soit-elle, que cette plaie délicieuse qui s'ouvre et se ferme sur une suite phosphorescentes, séculaire de tentations et de dangers.
J'oubliais que, pour parer à toute velléité d'envahissement de la terre par le sempervivum, les hommes n'ont trouvé rien de mieux – à dire vrai rien d'autre – que de le faire bouillir.


Théâtre

modifier

Jean-Paul Sartre, Le Diable et le bon Dieu, 1951

modifier
Karl : [...] Les terres sont à vous : celui qui prétend vous les donner vous dupe, car il donne ce qui n'est pas à lui. Prenez-les ! Prenez et tuez, si vous voulez devenir des hommes. C'est par la violence que nous nous éduquerons.
  • Karl affirme à son interlocuteur Gœtz ressentir davantage d'amour pour les hommes que pour ses terres — pour preuve le don qu'il décide d'en faire.


Médias

modifier

Charles-Augustin Sainte-Beuve, Causeries du lundi, 1851

modifier
Comme tous ceux qui portent en eux l'idéal, il était très vite capable de dégoût et de dédain. Pourtant, cette misanthropie première ne tint pas devant les grands événements et les promesses de 89. Le serment du Jeu de Paume le transporta. Il n'avait que 27 ans et, pendant deux années encore, jusqu'en 1792, nous le voyons prendre part au mouvement dans une certaine mesure, donner en quelques occasions des conseils par la presse, ne pas être persuadé à l'avance de leur inefficacité ; en un mot, il est plus citoyen que philosophe et il se définit lui-même comme un homme qui gémit de voir la vérité soutenue comme une faction, les droits les plus légitimes défendus par des moyens injustes et violents, et qui voudrait enfin qu'on eût raison d'une manière raisonnable. Et il va chercher quel sont les moyens de lui faire reprendre cette assiette le plus tôt possible et quelles sont les causes ennemies qui s'opposent à l'établissement le plus prompt d'un ordre nouveau.
  • Les lumières et les salons — Anthologie établie et présentée par Pierre Berès, Charles-Augustin Sainte-Beuve, éd. Hermann (éditeurs des sciences et des arts), coll. « Collection savoir : lettres », 1992  (ISBN 2-7056-6178-6), partie André Chénier, 19 mai 1851. Causeries du lundi, t. IV, p. 38


Charles-Augustin Sainte-Beuve, Causeries du lundi, 1852

modifier
La révolution de 89, dès le début, apprit à Beaumarchais combien il était impuissant devant ce flot immense qu'il avait été des premiers à provoquer et qui débordait en le menaçant. Sorti de France et réfugié à Hambourg, il y vécut dans la détresse jusqu'au point de devoir ménager une allumette et en réserver la moitié pour le lendemain.


Avant, la révolution était un projet. Avec 68, elle devient une posture. Elle n'est plus transcendante, galvanisée par la portée des ses idéaux, elle est immanente, à la fois partout et nulle-part ; dans les foyers, dans les relations de couple, dans l'art, à l'université... La révolution devient une forme d'exhibition constante et tapageuse du rapport lâche au temps dans lesquels notre bien-être matériel et notre conscience historique nous entretiennent. Désinvoltes et encouragés à le demeurer, nous avons fini par saturer notre horizon de possibles qui n'ont plus de goût. Le rebelle a triomphé du révolutionnaire, le gauchisme de la verticalité communiste, la société de la nation.

  • « Avant, la révolution était un projet. Avec 68, elle devient une posture », Paul Thibaud, Limite, nº hors série, 2018  (ISBN 978-2-36526-196-8), p. 19


Vous pouvez également consulter les articles suivants sur les autres projets Wikimédia :