Épidémie
augmentation très rapide de l'incidence d'une maladie, contagieuse ou non
Une épidémie désigne une maladie qui atteint de très nombreux individus en même temps dans un lieu déterminé.
Thucydide
modifierOn n’était plus retenu ni par la crainte des dieux ni par les lois humaines. Voyant autour de soi la mort abattre indistinctement les uns et les autres, on ne faisait plus aucune différence entre la piété et l’impiété. Et quant aux délits que l’on pouvait commettre, nul ne s’attendait à vivre assez longtemps pour subir le châtiment. Chacun redoutait bien davantage l’arrêt déjà prononcé contre lui et suspendu sur sa tête et l’on trouvait tout naturel de tirer quelque plaisir de la vie avant d’en être frappé.
- Thucydide décrit les conséquences morales de l’épidémie survenue à Athènes durant la guerre du Péloponnèse.
- La Guerre du Péloponnèse, Thucydide (trad. Denis Roussel), éd. Gallimard, coll. « Folio/Classique », 2000 (ISBN 978-2-07-040068-3), II, 53, p. 165
Edgar Allan Poe
modifierLa Mort Rouge avait pendant longtemps dépeuplé la contrée. Jamais peste ne fut si fatale, si horrible. Son avatar, c’était le sang — la rougeur et la hideur du sang. C’étaient des douleurs aiguës, un vertige soudain, et puis un suintement abondant par les pores, et la dissolution de l’être. Des taches pourpres sur le corps, et spécialement sur le visage de la victime, la mettaient au ban de l’humanité, et lui fermaient tout secours et toute sympathie. L’invasion, le progrès, le résultat de la maladie, tout cela était l’affaire d’une demi-heure.
- « Le Masque de la mort rouge » (The Masque of the Red Death, 1842), Edgar Allan Poe (trad. Charles Baudelaire), dans Nouvelles Histoires extraordinaires, éd. Librairie générale française, coll. « Le Livre de poche », 1972 (ISBN 2-253-00433-2), p. 189
Albert Camus
modifierQuand une guerre éclate, les gens disent : « Ça ne durera pas, c’est trop bête. » Et sans doute une guerre est certainement trop bête, mais cela ne l’empêche pas de durer. La bêtise insiste toujours, on s’en apercevrait si l’on ne pensait pas toujours à soi. Nos concitoyens à cet égard étaient comme tout le monde, ils pensaient à eux-mêmes, autrement dit ils étaient humanistes : ils ne croyaient pas aux fléaux. Le fléau n’est pas à la mesure de l’homme, on se dit donc que le fléau est irréel, c’est un mauvais rêve qui va passer. Mais il ne passe pas toujours et, de mauvais rêve en mauvais rêve, ce sont les hommes qui passent, et les humanistes en premier lieu, parce qu’ils n’ont pas pris leurs précautions. Nos concitoyens n’étaient pas plus coupables que d’autres, ils oubliaient d’être modestes, voilà tout, et ils pensaient que tout était encore possible pour eux, ce qui supposait que les fléaux étaient impossibles. Ils continuaient de faire des affaires, ils préparaient des voyages et ils avaient des opinions. Comment auraient-ils pensé à la peste qui supprime l’avenir, les déplacements et les discussions ? Ils se croyaient libres et personne ne sera jamais libre tant qu’il y aura des fléaux.
- La Peste (1947), Albert Camus, éd. Gallimard, coll. « Folio », 1994 (ISBN 2-07-036042-3), partie I, p. 41-42
Marguerite Yourcenar
modifierLa peste, venue d’Orient, entra en Allemagne par la Bohême. Elle voyageait sans se presser, au bruit des cloches, comme une impératrice. Penchée sur le verre du buveur, soufflant la chandelle du savant assis parmi ses livres, servant la messe du prêtre, cachée comme une puce dans la chemise des filles de joie, la peste apportait à la vie de tous un élément d’insolente égalité, un âcre et dangereux ferment d’aventure. Le glas répandait dans l’air une insistante rumeur de fête noire : les badauds rassemblés au pied des clochers ne se lassaient pas de regarder, tout en haut, la silhouette du sonneur tantôt accroupi, tantôt suspendu, pesant de tout son poids sur son grand bourdon. Les églises ne chômaient pas, les tavernes non plus.
- L’Œuvre au noir (1968), Marguerite Yourcenar, éd. Gallimard, coll. « Folio », 1991 (ISBN 2-07-036798-3), partie La Vie errante, chap. Les Fugger de Cologne, p. 121-122
Thérèse Delpech
modifierChaque époque a l’épidémie qu'elle mérite. Au temps de Freud, ce sont les maladies de l’âme qui font une entrée spectaculaire. Elles avaient certes une histoire aussi longue que celle de l’humanité, mais au moment où la psychanalyse voit le jour des bouleversements historiques inédits multiplient les risques de déséquilibre psychique. Dès l’Antiquité, Thucydide et Euripide, évoquant respectivement la guerre du Péloponnèse et la guerre de Troie, décrivent les ravages qu’exercent sur la psyché les grandes transformations de l’histoire.
Les conséquences du progrès au sein de la société occidentale sont contradictoires. D'un côté, le confort quotidien, l'alimentation, le sport, la médecine, l'hygiène contribuent de manière évidente à l'amélioration de la santé et au perfectionnement de l'espèce biologique. D'un autre côté, on observe une augmentation du nombre de handicapés de naissance, de l'alcoolisme, de la toxicomanie, de l'attrait pour la violence et les perversions, de l'impuissance, des allergies et de nouveaux types d'épidémies.
[...] Comment guérir de ce qui est une conséquence directe du mode de vie de la société ? L'Occident doit vivre jusqu'au bout avec ces maladies qui sont le prix de la transformation de l'homme en surhomme et des relations humaines en relations superhumaines.
[...] Comment guérir de ce qui est une conséquence directe du mode de vie de la société ? L'Occident doit vivre jusqu'au bout avec ces maladies qui sont le prix de la transformation de l'homme en surhomme et des relations humaines en relations superhumaines.
- L'Occidentisme - essai sur le triomphe d'une idéologie, Alexandre Zinoviev (trad. Galia Ackerman et Pierre Lorrain), éd. Plon, 1996 (ISBN 978-2259-183-178), partie Le mode de vie - Une société de malades mentaux, chap. Une société de malades mentaux, p. 246