Chantal Delsol

philosophe, historienne des idées politiques et romancière française

Chantal Delsol ou Chantal Millon-Delsol, née à Paris en 1947, est une philosophe, historienne des idées politiques, et romancière française.

Chantal Delsol en 2015

Citations de Chantal Delsol

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La modernité contre l'homme intérieur, 2008

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Si l’on ôte à l’homme les mythes, les attachements irrationnels, et si l’on considère toute croyance comme une superstition, il ne reste que la matière. Si vous faites abstraction des significations que recèle un individu vivant et souffrant, vous pouvez le découper en tranches, vous ne trouverez que de la viande.[...] C’est pourquoi l’homme contemporain est réduit à sa biologie, à la sauvegarde de sa vie biologique, à laquelle il attache ses soins exclusifs. Car il ne sait rien qui vaudrait qu’on la lui sacrifie. Il reste, dès lors, enraciné dans son corps, la beauté de son corps, la santé de son corps, sans autre espoir que l’empêcher de sombrer trop vite (surtout ne pas vieillir). Il n’y a d’espérance que lorsque quelque chose vaut au-delà de l’homme. Qu’est-ce qui peut bien valoir plus que moi, dans un monde d’où tout idéal a été arraché ? Je suis l’homme réduit à sa viande. J’ai peur de ce qui me dépasse. Pour ne pas risquer un quelconque fanatisme, je me réduis indéfiniment. Bernanos parlait de ces « âmes pliées en quatre ». De si petites âmes dans un corps si glorifié !

  • « La modernité contre l'homme intérieur », Chantal Delsol, La Nef, nº 173, Juillet Aout 2008 (lire en ligne)


C’est peut-être la question essentielle : celle du rapport à la modernité. Pendant la saison révolutionnaire apparaît l’idéologie de l’émancipation, autrement dit, les Lumières. Elle dit que les hommes sont désormais non plus les fils, mais les pères de leur histoire. Ils se façonnent eux-mêmes. Cette vision des choses n’est pas sortie d’une tabula rasa, comme elle le prétend : elle provient du christianisme, qui lui-même l’avait reprise aux Grecs. Les Lumières ne sont pas une invention, mais une impatience : elles jugent, à tort ou à raison, que l’émancipation promise par saint Paul ne se concrétise pas assez vite. Aussitôt, probablement à partir de Burke, apparaît la défense de l’idée inverse : l’importance de l’enracinement. Elle dit que les hommes sont aussi les fils de leur histoire. Burke était un libéral et non un réactionnaire, et c’est pourquoi je lui donne raison. Les hommes ont besoin à la fois d’enracinement, parce qu’ils participent à une condition commune qui leur prête des caractères irréductibles, liés à leur passé, et d’émancipation, parce qu’ils sont une espèce en devenir, vouée à transgresser les limites et à se déployer sans cesse.

  • « La modernité contre l'homme intérieur », Chantal Delsol, La Nef, nº 173, Juillet Aout 2008 (lire en ligne)


Si vous préférez, ils ont à la fois des racines et des ailes. Les deux leur sont essentielles. On ne peut couper les racines à moins de façonner des individus sans feu ni lieu, des errants libérés pour le vide. On ne peut couper les ailes à moins de façonner des individus immobiles, enfermés dans des coutumes vite privées de sens. Parce que je défends l’enracinement, je suis conservatrice. Parce que je défends l’émancipation, je suis libérale. Certains me disent que c’est contradictoire. Non, parce que ces deux pensées sont des tendances, et pas des doctrines. Elles représentent ensemble un paradoxe structurant, dont on ne se libérera jamais. Quand l’émancipation devient folle, j’estime qu’il faut défendre l’enracinement. Au XVIIIe siècle, j’aurais défendu l’émancipation.

  • « La modernité contre l'homme intérieur », Chantal Delsol, La Nef, nº 173, Juillet Aout 2008 (lire en ligne)


De la législation sur les dons d'organes, 2015

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A force d'affirmer que tout est matière, que la pensée et la liberté ne sont que fatras de cellules, on est bien obligé de considérer un humain comme de la viande. On se demande alors pourquoi il faut le respecter s'il ne consiste qu'en un assemblage de pièces à récupérer et ressemble finalement à une veille montre. L'effroi que nous ressentons devant la Shoah ou le génocide arménien devrait nous convaincre de traiter nos semblables, morts comme vivants, avec moins de désinvolture.
  • « De la légalisation sur le don d'organe », Chantal Delsol, Valeurs Actuelles, nº 4086, du 7 au 13 mai 2015, p. 81


Volkswagen ou la toute-puissance de l'apparence, 2015

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Lorsque l'enrichissement est devenu l'unique horizon de la plupart, parce que les biens spirituels sont couverts d'injures et de dérision, alors on peut parier que la tricherie devient un sport et même une vertu. Avec les biens spirituels, on ne peut guère tricher ; croit-on que l'on puisse tricher avec le courage ou avec l'espérance ? C'est bien improbable. Le matérialisme général fabrique une immense industrie de la carte cachée.
  • « Volkswagen ou la toute-puissance de l'apparence », Chantal Delsol, Valeurs Actuelles, nº 4115, du 8 au 14 Octobre 2015, p. 97


L'esprit idéologique, d'une autre manière, suscite et favorise la triche. Car il défend une théorie irréalisable, et à tout moment il faut frauder pour oublier que l'idée est irréalisable. Les sociétés idéologiques sont donc d'immenses machines à tricher.
  • « Volkswagen ou la toute-puissance de l'apparence », Chantal Delsol, Valeurs Actuelles, nº 4115, du 8 au 14 Octobre 2015, p. 97


Dans une société à la fois matérialiste et idéologique, être n'a pas beaucoup d'importance, mais paraître en a beaucoup. La communication omniprésente traduit la toute puissance de l'apparence. Il suffit de faire semblant ! Il suffit de faire semblant d'avoir des voitures non polluantes. Dans ce genre de société, tout est si superficiel que bien souvent les gouvernements font semblant de gouverner, les journalistes font semblant d'informer, les banques font semblant de prêter, et tout est à l'avenant.
  • « Volkswagen ou la toute-puissance de l'apparence », Chantal Delsol, Valeurs Actuelles, nº 4115, du 8 au 14 Octobre 2015, p. 97


Le salut public instrumentalisé, 2016

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Il vaux mieux ne pas jouer avec l'union nationale, ne pas en faire un joker pour se débarrasser d'un adversaire trop détesté. L'union nationale est un remède de cheval à utiliser au bord des précipices. Si on s'en sert avec légèreté, cela revient à abandonner la démocratie, faute d'avoir été capable d'en assumer la diversité.

  • « Le salut public instrumentalisé », Chantal Delsol, Valeurs Actuelles, nº 4128, 7 au 13 janvier 2016, p. 79


Les confusions dangereuses, 2016

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La différence est qualitative entre le voile et la burqa. Le premier est un symbole culturel comme un autre, comme la kippa des juifs, et appelle le respect et la tolérance dans une société multiple. La seconde nie catégoriquement les croyances anthropologiques de notre culture, parce qu'en dissimulant le visage on éteint délibérément la personne qui se trouve derrière et on écrit en lettres de feu « Dieu préfère les hommes aux femmes » (Coran, sourate 4). Et cela n'est pas acceptable en France. Espérons que Sciences Po, toujours avide de pédanteries mondaines et de nouveautés ronflantes, ne nous prépare pas une journée de la burqua.

  • « Sciences Po : quand les bobos mettent les voiles, les confusions dangereuses », Chantal Delsol, Valeurs Actuelles, nº 4148, 26 mai au 1er juin 2016, p. 95


Le burkini, un débat surréaliste dans l'ère du vide, 2016

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L'islam conquérant est une réaction contre un vide de sens, un matérialisme extrême, une indifférence affichée vis à vis de tout ce qui fait le tragique de la vie. Si on croit lutter contre lui en déployant un vide encore plus grand, quel aveuglement ! [...]
Les cellules de déradicalisation, qui expliquent que le seul idéal consiste en un humanitaro-capitalisme gluant et matérialiste, ne convaincront personne. Les jeunes radicalisés ne cherchent pas de grands discours : ils veulent donner un sens à leur vie.

  • « Chantal Delsol : le burkini, un débat surréaliste dans l'ère du vide », Alexis Feertchack, Vincent Trémolet de Villers, Le Figaro Vox, 26/08/2016 (lire en ligne)


Populisme, les demeurés de l'histoire

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Déception inattendue et cruelle : alors que l'on croyait le peuple naturellement attaché à l'émancipation (étant l'opprimé et la victime dans l'histoire, il ne pouvait être que complice de cette idéologie qui le délivrait), voilà qu'en masse il s'avise de jouer le traître et de prendre la défense de l'enracinement. Même déception que celle qui advint à Lénine en son temps. On ne se demande pas pourquoi cette félonie. Mais bien plutôt, on pense que l'on a affaire à un mauvais peuple, et l'élite commence à l'agonir d'injures en le décrivant comme un ramassis d'apostats.

  • Populisme, les demeurés de l'histoire, Chantal Delsol, éd. éditions du rocher, 2015, p. 191


Citations sur Chantal Delsol

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Sa bibliothèque est un jardin à la française, les œuvres y sont classées. Des Post-it de toutes les couleurs émergent des livres travaillés, annotés, formant des petits bouquets de la pensée. Là les maîtres — qu'elle peut lire en allemand, en anglais, en grec et en latin : Hegel, Aristote, Weber, Hobbes, Ricœur, Lévinas. En philosophie politique, dont elle a fait sa spécialité, on trouve l'intégrale des œuvres de Montesquieu, La Boétie, Voltaire, Tocqueville, les Anglo-saxons Strauss et MacIntyre et l'allemande Hannah Arendt : « j'en ai tout le temps besoin. » Et puis les Grecs, « très importants pour moi », objets de sa thèse consacrée à la philosophie politique de l'Antiquité.

  • « La bibliothèque de Chantal Delsol », Etienne De la Rochère, Boussole, nº 3, Hiver 2015, p. 115