Jean Giono
Jean Giono (30 mars 1895, 9 octobre 1970) est un écrivain et un scénariste français, issu d'une famille d'origine piémontaise.
Colline, 1929
modifierQuatre maisons fleuries d'orchis jusque sous les tuiles émergent de blés drus et hauts.
C'est entre les collines, là où la chair de la terre se plie en bourrelets gras.
Le sainfoin fleuri saigne dessous les oliviers. Les avettes dansent autour des bouleaux gluants de sève douce.
Le surplus d'une fontaine chante en deux sources. Elle tombent du roc et le vent les éparpille. Elles pantèlent sous l'herbe, puis s'unissent et coulent ensemble sur un lit de jonc.
Le vent bourdonne dans les platanes.
Ce sont les Bastides Blanches.
Un débris de hameau, à mi-chemin entre la plaine où ronfle la vie tumultueuse des batteuses à vapeur et le grand désert lavandier, le pays du vent, à l'ombre froide des monts de Lure.
- Incipit
- Colline (1929), Jean Giono, éd. Grasset, coll. « Les cahiers rouges », 2002 (ISBN 2-246-12294-5), p. 13
- Colline (1929), Jean Giono, éd. Grasset, coll. « Les cahiers rouges », 2002 (ISBN 2-246-12294-5), p. 132
- Colline (1929), Jean Giono, éd. Grasset, coll. « Les cahiers rouges », 2002 (ISBN 2-246-12294-5), p. 135
Un de Baumugnes, 1929
modifierUn de Baumugnes, a été édité en 1929.
- Un de Baumugnes, Jean Giono, éd. Grasset, coll. « Les cahiers rouges », 2011, p. 134
- Un de Baumugnes, Jean Giono, éd. Grasset, coll. « Les cahiers rouges », 2011, p. 23
- Un de Baumugnes, Jean Giono, éd. Grasset, coll. « Les cahiers rouges », 2011, p. 17
Regain
modifier- Viens, dit Panthurle, on va à la maison.
Et elle a marché derrière lui dans le sentier.- Regain (1930), Jean Giono, éd. Grasset, coll. « Les cahiers rouges », 2011 (ISBN 978-2-246-12334-7), p. 87
— Tu sais pas ? qu'il dit. Je voudrais te demander quelque chose. Je peux pas en payant, mais je te le revaudrai. Donne-moi une tranche de ce pain. C'est pas pour moi, il ajoute parce qu'il voit que, déjà, elle le tend et que l'Amoureux va dire : « Apporte aussi les olives. » C'est pas pour moi. Je vais te conter, puisque aussi bien ça se saura et puisque aussi bien, c'est bien, somme toute. J'ai une femme, là-bas, avec moi, et ça lui fera plaisir :
— Prends-le tout, alors, dit Alphonsine.
De voir qu'on lui donne tout, ça lui fait douleur, ça lui fait cligner les yeux comme s'il mâchait du laurier.
— Je te le revaudrai.
— T'as qu'à faire ça si tu veux qu'on se fâche.
- Regain (1930), Jean Giono, éd. Grasset, coll. « Les cahiers rouges », 2011 (ISBN 978-2-246-12334-7), p. 101
À la Font-de-la-Reine-Porque, le bassin de la fontaine est déjà gelé. C'est une fontaine perdue et malheureuse. Elle n'est pas protégée. On l'a laissée comme ça, en pleins champs découverts ; elle est faite d'un tuyau de canne, d'un corps de peuplier creux. Elle est là toute seule. L'été, le soleil qui boit comme un âne sèche son bassin en trois coups de museau ; le vent se lave les pieds sous le canon et gaspille toute l'eau dans la poussière. L'hiver, elle gèle jusqu'au cœur. Elle n'a pas de chance ; comme toute cette terre.
- Regain (1930), Jean Giono, éd. Grasset, coll. « Les cahiers rouges », 2011 (ISBN 978-2-246-12334-7), p. 31
Jean le Bleu, 1932
modifierJean le Bleu, a été édité en 1932.
- Jean le Bleu (1932), Jean Giono, éd. Grasset, coll. « Les cahiers rouges », 2005 (ISBN 2-246-33644-9), p. 12
Fils, s'il t'est donné de vivre, tu rencontreras sur ta route des hommes qui sont suivis par des troupeaux de montagnes. Des hommes qui arrivent dans des pays, nus et crus. On remarque à peine que leurs mains ouvertes éclairent l'ombre comme des veilleuses. Quand on le remarque. Et voilà que les montagnes se lèvent et marchent à leur suite. Et voilà que tous les mécaniciens de raison tapent du poing sur leurs tables. Voilà qu'ils crient : « Il y a dix ans que je cherche des formules, dix ans que je noircis du papier, dix ans que j'use des arithmétiques. Dix ans que je cherche le bouton secret ». Et celui-là est arrivé et il a dit tout simplement : « Montagne » et puis la montagne s'est dressée. Où est la justice ?
« Elle est là, fiston la justice.
L'espérance… »
- Jean le Bleu (1932), Jean Giono, éd. Grasset, coll. « Les cahiers rouges », 2005 (ISBN 2-246-33644-9), p. 177
Dans toi il n'y a déjà plus d'homme, il n'y a plus que la matière de cent sauterelles neuves, de dix lézards, de trois serpents, d'un beau rectangle d'herbe drue et peut-être le cœur d'un arbre.
Le serpent d'étoiles, 1933
modifier- Le serpent d'étoiles (1933), Jean Giono, éd. Le Livre de Poche, 1966 (ISBN 3-001-05990-4[à vérifier : ISBN invalide]), p. 81
- Le serpent d'étoiles (1933), Jean Giono, éd. Le Livre de Poche, 1966 (ISBN 3-001-05990-4[à vérifier : ISBN invalide]), p. 81
Que ma joie demeure, 1935
modifierQue ma joie demeure, a été édité en 1935.
Il y avait eu du vent, il avait cessé, et les étoiles avaient éclaté comme de l'herbe. Elles étaient en touffes avec des racines d'or, épanouies, enfoncées dans les ténèbres et qui soulevaient des mottes luisantes de nuit.
Jourdan ne pouvait pas dormir. Il se tournait, il se retournait.
– Il a fait un clair de toute beauté, se disait-il.
Il n'avait jamais vu ça.
Le ciel tremblait comme un ciel de métal. On ne savait pas de quoi puisque tout était immobile, même le plus petit pompon d'osier. Ça n'était pas le vent. C'était tout simplement le ciel qui descendait jusqu'à toucher la terre, racler les plaines, frapper les montagnes et faire sonner les corridors des forêts. Après, il remontait au fond des hauteurs.
- Incipit
- Que ma joie demeure (1935), Jean Giono, éd. Grasset, coll. « Les cahiers rouges », 1996 (ISBN 2-246-12373-9), p. 13
« Vous n'avez d'autre grange que cette grange-là, dit-il en frappant la poitrine. Tout ce que vous entassez hors de votre cœur est perdu.
- Que ma joie demeure (1935), Jean Giono, éd. Le Livre de Poche, 1998 (ISBN 2-253-00522-3), p. 165-166
Les vraies richesses, 1936
modifierQuand je vais à Paris, je descends dans un petit hôtel de la rue du Dragon. Voilà sept ans que je suis fidèle à cet hôtel de ce quartier. Je suis ainsi fait qu'il me faut des racines non pas seulement à l'endroit où naturellement l'homme les a, mais sur toute la surface de mon corps. Pour vivre, il faut que je sois tout poilu de racines ; comme une sorte de fleur de mer, mais qui flotterait au milieu de la chair durcie des montagnes et des hommes.
- Incipit
- Les vraies richesses (1936), Jean Giono, éd. Grasset, coll. « Les cahiers rouges », 2002 (ISBN 978-2-246-12385-9), p. 33
Je voudrais que tu te serves de moi comme d'un objet familier, d'un stylo, d'un crayon qui à l'habitude de ta main, comme de ton vêtement journalier qui s'est déjà mille fois plié dans tes entournures, comme d'un objet que le monde aurait fait pour toi, mais non pas que la civilisation aurait fait pour toi, comme un ami sur lequel on peut toujours compter.
- Les vraies richesses (1936), Jean Giono, éd. Grasset, coll. « Les cahiers rouges », 2002 (ISBN 978-2-246-12385-9), p. 40
- Les vraies richesses (1936), Jean Giono, éd. Grasset, coll. « Les cahiers rouges », 2002 (ISBN 978-2-246-12385-9), p. 78, 79
Ainsi, les hommes et les femmes restent sous l'auvent du four, cet auvent qui, lui aussi, a exigé une soigneuse orientation du tout le temple : c'est là qu'on pose sur des tréteaux les longues « mannes » pleines de pâtes, c'est de là qu'on enfourne les pains, c'est là qu'on passe le temps en attendant que le pain cuise. Le dos au four, la face vers les champs où dort la buée d'automne ; les nuages ont effacé les montagnes et égalisé le pays ; pour chaque objet de la terre on peut avoir cent pensées toutes différentes avant de se dire : c'est un arbre, c'est la maison de Jean Laine, c'est le chêne ou c'est l'ormeau car, le chêne, l'ormeau, la maison, l'arbre, tout le pays est dans la brume ; on a chaud, on a le temps, on est tranquille, puisqu'un beau travail se fait paisiblement tout seul à cet endroit même : on a le temps de s'occuper de soi-même et de rêver.
Joie magnifique des travaux naturels où jamais rien n'est esclavage, où tout est à la mesure de l'homme, lui laissant son temps (ce temps qui est l'habitation de Dieu).
- Les vraies richesses (1936), Jean Giono, éd. Grasset, coll. « Les cahiers rouges », 2002 (ISBN 978-2-246-12385-9), p. 102
- Les vraies richesses (1936), Jean Giono, éd. Grasset, coll. « Les cahiers rouges », 2002 (ISBN 978-2-246-12385-9), p. 132
- Les vraies richesses (1936), Jean Giono, éd. Grasset, coll. « Les cahiers rouges », 2002 (ISBN 978-2-246-12385-9), p. 149
- Les vraies richesses (1936), Jean Giono, éd. Grasset, 1937, p. 203
Lettre aux paysans sur la pauvreté et la paix, 1938
modifier- Lettre aux paysans sur la pauvreté et la paix (1938), Jean Giono, éd. Héros-limite (Genève), 2013 (ISBN 978-2-940517-04-6), p. 35
- Lettre aux paysans sur la pauvreté et la paix (1938), Jean Giono, éd. Héros-limite (Genève), 2013 (ISBN 978-2-940517-04-6), p. 93
- Lettre aux paysans sur la pauvreté et la paix (1938), Jean Giono, éd. Héros-limite (Genève), 2013 (ISBN 978-2-940517-04-6), p. 95
- Lettre aux paysans sur la pauvreté et la paix (1938), Jean Giono, éd. Héros-limite (Genève), 2013 (ISBN 978-2-940517-04-6), p. 111
- Citation choisie pour le 26 janvier 2017.
Le Hussard sur le toit, 1951
modifierLe Hussard sur le toit, a été édité en 1951.
- Voir le recueil de citations : Le Hussard sur le toit
Le Moulin de Pologne, 1952
modifierLe Moulin de Pologne, a été édité en 1952.
- Le Moulin de Pologne (1952), Jean Giono, éd. Le Livre de Poche, 1967 (ISBN 9782070362745), p. 145-146
Provence, 1953
modifierPour un voyage aussi court que celui d'ici à Marseille, quand je rentre, je retrouve sur le quai de ma gare cet air vif des Basses-Alpes, et, avec lui, mon pays, comme revenant d'un dépaysement extraordinaire. C'est que l'air d'ici a un goût particulier.
- Provence (1953), Jean Giono, éd. Gallimard, 1993 (ISBN 2-07-073420-X), p. 205
- Provence (1953), Jean Giono, éd. Gallimard, 1993 (ISBN 2-07-073420-X), p. 205
- Provence (1953), Jean Giono, éd. Gallimard, 1993 (ISBN 2-07-073420-X), p. 206
- Provence (1953), Jean Giono, éd. Gallimard, 1993 (ISBN 2-07-073420-X), p. 206
Mais l’âme est restée la même, car les terres sauvages qui sont à peine à quelques kilomètres d'ici n'ont pas changé. On n’y peut pas innover ; on est obligé d'y vivre avec les vieux moyens, ce que j'appelle virgule moi, les jeunes moyens de vivre. Au travers de tout ce que vous allez voir dans Manosque, chercher son âme, c'est un travail qui vous paiera.
- Provence (1953), Jean Giono, éd. Gallimard, 1993 (ISBN 2-07-073420-X), p. 207
Les Récits de la demi-brigade, 1972
modifierJe pris par les champs. C’était le crépuscule le plus clair du monde. Le vent était de noroît et d’une violence royale : un mistral bien établi dans son septième jour, glacé, tranchant, et dont les coups allumaient dans mes yeux des lueurs vermeilles. Le ciel était vert d’un bord à l’autre, les premières étoiles s’allumaient dans un air si pur qu’elles semblaient nouvelles.
- Les Récits de la demi-brigade, Jean Giono, éd. Gallimard, coll. « nrf », 1972 (ISBN 2-07-028152-3), p. 10, 11
A peine sortis de la cour de l’auberge, le vent nous enveloppa. Nous étions encore protégés par le massif de la Sainte-Victoire, mais le ciel grondait et étincelait comme il n’est pas permis à un ciel chrétien. Il y avait mille fois plus d’étoiles qu’à l’ordinaire, et la voix de l’univers n’était certainement pas celle de l’enfant de la crèche.
- Les Récits de la demi-brigade, Jean Giono, éd. Gallimard, coll. « nrf », 1972 (ISBN 2-07-028152-3), p. 17
Rentré à Aubagne, je repris mon cheval. Il faisait une nuit d’été somptueuse ; dans les vallons frais, des rossignols attardés multipliaient les étoiles. J’aime ce chant qui est comme un silence et ce fourmillement de lumière qui est la nuit. La route montait. J’allais au pas. A y réfléchir, Costa avait disparu vers minuit, je n’avais plus revu le « bon vieillard » : les hostilités avaient dû s’engager ; étions-nous gagnants ou perdants ? Restait aussi à définir le regard qu’avait eu la marquise en dansant avec moi. Je l’ai dit : son habilité la rendait semblable à du vent. Qui peut se flatter de tenir le vent dans ses bras ? Son regard n’était pas un regard de victoire mais un regard intelligent. C’est autre chose ; et qui ne m’apportait pas la paix dans ces vallons sonores.
- Les Récits de la demi-brigade, Jean Giono, éd. Gallimard, coll. « nrf », 1972 (ISBN 2-07-028152-3), p. 62
J’avais l’habitude de ces détrousseurs de grands chemins : ils ne sont pas courageux ; s’ils étaient courageux, ils travailleraient.
- Les Récits de la demi-brigade, Jean Giono, éd. Gallimard, coll. « nrf », 1972 (ISBN 2-07-028152-3), p. 103
Je venais de m’apercevoir que tout le pays était truqué. Les fermes n’étaient plus des fermes, les bois n’étaient plus des bois, les routes n’étaient plus des routes, les enfants n’étaient plus des enfants, dès qu’on mettait le pied dans ce pays, on tombait dans un appareil à tuer et à dévaliser. Il devait même fonctionner automatiquement, à la façon d’un estomac qui digère tout ce qui tombe dans sa panse ; en tout cas, qui s’attaque à tout ce qui tombe dans sa panse, car je n’avais pas du tout envie d’être digéré.
- Les Récits de la demi-brigade, Jean Giono, éd. Gallimard, coll. « nrf », 1972 (ISBN 2-07-028152-3), p. 104, 105
Je crois à la vertu de l’homme à cheval, mais il faut qu’il reste muet. S’il prononce un mot, c’est comme s’il mettait pied à terre.
- Les Récits de la demi-brigade, Jean Giono, éd. Gallimard, coll. « nrf », 1972 (ISBN 2-07-028152-3), p. 133
Mais j’ai sur l’avenir du soldat des idées personnelles. Ce qui l’attend de mieux à mon avis, c’est la mort. Brigou avait cherché et trouvé. Il ne me restait qu’à faire de même. Ce n’est pas que je sois un héros. Je ne les aime guère et je m’arrange fort bien de la vie ordinaire. Mais le travail bien fait est encore ce que j’ai de mieux pour me distraire.
- Les Récits de la demi-brigade, Jean Giono, éd. Gallimard, coll. « nrf », 1972 (ISBN 2-07-028152-3), p. 140, 141
J’étais seul. Le calme absolu qui précède les lourdes chutes de neige m’environnait étroitement. Aussi loin que mes yeux pouvaient voir, j’apercevais autour de moi des landes désertes dont l’aspect renouvelé par la neige m’était parfaitement étranger. Les lointains étaient de ce bleu sombre un peu funèbre que prend la mer sur de grands fonds.
- Les Récits de la demi-brigade, Jean Giono, éd. Gallimard, coll. « nrf », 1972 (ISBN 2-07-028152-3), p. 143
Quand la solitude a ce visage, mon âme est en paix. Pour si paradoxal que soit mon sentiment, étant donné mon état, je déteste la loi. Je n’ai d’appétit que pour les lois qui sortent en éclair du sein même des événements. Il serait trop long d’expliquer à la suite de quelles expériences j’en suis arrivé à construire mon bonheur avec ces matériaux.
- Les Récits de la demi-brigade, Jean Giono, éd. Gallimard, coll. « nrf », 1972 (ISBN 2-07-028152-3), p. 143
Les Terrasses de l'île d'Elbe, 1976
modifier- Voir le recueil de citations : Les Terrasses de l'île d'Elbe
Les Trois Arbres de Palzem, 1984
modifier- Voir le recueil de citations : Les Trois Arbres de Palzem
La Chasse au bonheur, 1988
modifier- Voir le recueil de citations : La Chasse au bonheur
Citations sur Jean Giono
modifierDans quelle cécité, dans quelle surdité sommes-nous enfermés avant qu’un bon magicien réveille nos sens ? Giono m’ouvrait la porte d’un paradis anthropomorphe : le coup d’épaule du fleuve ; l’eau comme du poil de chat ; les hennissements du gué ; la main qui écoute le chêne… Comment jusqu’à une telle lecture peut-on croire avoir vécu sur terre sans en avoir entendu la rumeur minérale et animale, la rumeur des hommes ?