Il existe une contradiction fondamentale entre l’idéal des «parts équitables» (ou l'idéal dont il dérive : «A chacun selon ses besoins») et l’idéal de la liberté personnelle. Et cette contradiction a été la plaie de toute tentative de placer l'égalité des résultats comme principe de base de l'organisation sociale. Cela a abouti invariablement à un état de terreur : la Russie, la Chine et plus récemment le Cambodge en offrent des preuves évidentes et convaincantes
Une société qui place l'égalité avant la liberté finira par n'avoir ni égalité ni liberté. [..] Une société qui place la liberté avant toutes choses finira par obtenir, sans l'avoir cherché, davantage d'égalité en même temps que davantage de liberté
Le libéralisme s'avère défavorable à la liberté car il ignore les restrictions que la liberté doit s'imposer afin de ne pas se détruire elle-même.
D'une part, les politiques économiques que la mondialisation actuelle impose aux pays qu'elle touche consistent surtout à démanteler l'État-providence et à déposséder l'État-actionnaire. Puisque c'est donc un grand bond en arrière de la place de l'État dans l'économie et le social, le préfixe « néo- » est inapproprié. D'autre part, le vrai libéralisme économique est résolument hostile à toute rente de situation, à tout privilège, et à toute entente entre une poignée de grands groupes pour contrôler un marché. Prétendre que cette mondialisation est libérale alors qu'elle fabrique partout de grands oligopoles, c'est donc une usurpation.
- Propos sur le néo-libéralisme et le libéralisme
« La mondialisation malheureuse ou le règne de l'oligarchie », propos recueillis par Alexandre Devecchio,
Le Figaro Vox, 14 septembre 2016 (
lire en ligne)
Il n'y a rien dans les principes du libéralisme qui permette d'en faire un dogme immuable; il n'y a pas de règles stables, fixées une fois pour toutes. Il y a un principe fondamental : à savoir que dans la conduite de nos affaires nous devons faire le plus grand usage possible des forces sociales spontanées et recourir le moins possible à la coercition
[L'erreur du libéralisme] est double et essentiellement anthropologique : c'est une théorie politique qui part du postulat d'une supposée nature de l'individu. Qu'il pense en termes de contrat ou de « sympathie » projetée, cet individu est toujours considéré comme fondamentalement isolé et autonome. Deuxièmement, cet individu est interprété de façon pessimiste : égoïste et craintif, selon Hobbes (le « libéralisme de droite »), avide et inconstant, selon Rousseau, et donc soumis à un désir mimétique (le « libéralisme de gauche »).
« Le socialisme à l'anglaise », Max-Erwann Gastineau, Revue Limite, nº 11, Juillet 2018, p. 32
Selon une excellente définition de Guy Mollet, et il me permettra de lui emprunter […], les libéraux [sont ceux], qui, évidemment acceptent comme nous l’héritage démocratique dans le domaine politique, mais qui refusent nos méthodes et nos structures sur le plan de l’économie.
- Discours prononcé lors du congrès d’Épinay.
Les Grands Discours socialistes français du XXe siècle, Mehdi Ouraoui, éd. Complexe, 2007, p. 147
Le système libéral peut-il respecter le « droit de nature », ce fameux jus naturale respectueux de la liberté de chacun, tout en préservant l'ensemble de ses besoins vitaux ? Il est manifeste que le libéralisme prive de ce droit les générations futures, et, dès à présent, les peuples et les individus les plus pauvres. Or une organisation sociale n'est acceptable que si elle ne contraint pas ses membres à renoncer à leur « droit de nature » au profit de quelques-uns. Les notions de profit et de lutte économique devront faire place à des concepts tels que réciprocité, mutualisme, réconciliation. Seule une exigence éthique unanimement partagée permettra de préserver durablement, pour tous, la liberté et la paix.
La Solidarité chez les plantes, les animaux, les humains,
Libéralisme, éd. Fayard, 2004, chap. Du libéralisme au mutualisme, p. 169
La capacité des États à prélever l’impôt a été minée par ces mouvements qui, contrairement à ce que l’on prétend, ne sont pas le produit de la seule liberté d’entreprendre, mais d’une idéologie. [...] Ronald Reagan et ses mentors prétendent que, grâce au libéralisme à tout va, la croissance va s’accroître et que tout le monde va en profiter. Un système légal très sophistiqué se met en place pour permettre cette évasion fiscale mondiale. [...] Il est temps de revenir sur l’illusion du reaganisme, à la lumière des faits.
(fr) « Thomas Piketty : « La fiscalité est le prolongement concret des idéologies » »,
Thomas Piketty [entretien avec le journaliste Richard Werly],
Le temps, nº 6515, 14 septembre 2019, p. 13 (
lire en ligne)
Pour moi, comme économiste et chercheur, la liberté doit d’abord viser à la circulation du pouvoir. Or derrière l’éloge de la liberté économique s’est toujours dessinée la peur de la démocratie et du peuple. Doit-on accepter qu’il n’y ait pas de solution politique aux luttes sociales ? Il faut savoir innover, inventer, corriger notre système économique. Dire que les États ne doivent surtout pas réguler les inégalités et les flux économiques et financiers est une idéologie extrémiste et dangereuse.
(fr) « Thomas Piketty : « La fiscalité est le prolongement concret des idéologies » »,
Thomas Piketty [entretien avec le journaliste Richard Werly],
Le temps, nº 6515, 14 septembre 2019, p. 13 (
lire en ligne)
Les libéraux sont « ailleurs » et il est erroné de les situer à droite ou à gauche. Ils sont favorables à la liberté individuelle dans tous les domaines, précisément parce que la vie des hommes ne peut pas se découper en tranches, avec une partie économique, une partie sociale ou une partie familiale.
Il n'y a en effet que deux visions possibles de la société et de son organisation, une vision libérale et une vision constructiviste. Ces deux visions sont absolument incompatibles et c'est pourquoi l'acceptation de quelques mesures de libéralisation — par exemple le recours aux privatisations pour améliorer la gestion de certaines entreprises — ne représente pas une conversion majeure au libéralisme.
Dès le
XVIIIe siècle, les thèmes fondateurs du libéralisme sont définis : intégrité de l’individu humain, respect de l’autonomie des activités sociales, immanence des règles de la coexistence humaine.
« Pourquoi le libéralisme n’est pas le laissez faire », Monique Canto-Sperber,
En temps réel, nº 7, février 2003, p. 5 (
lire en ligne)
La France est la grande malade de l'Europe et elle est aussi, de loin !, le pays le moins libéral des Quinze. On peut à la rigueur choisir de ne pas relever cette intéressante coïncidence. Mais imputer au recul de l'État la dégradation de la situation de notre pays relève purement et simplement de l'escroquerie intellectuelle.
Le rejet du libéralisme est tel que l'expression même est aujourd'hui bannie du vocabulaire de l'honnête homme. On fustigera de préférence, dans la conversation, l'"ultralibéralisme", version fantasmatique d'une école de pensée qu'il est confortable de déconsidérer en l'affublant ainsi d'un préfixe infamant : d'un "ultra", on ne peut rien attendre de sérieux ni de positif.
Il y a, en France, des mots qui fâchent. Libéralisme est de ceux-là. [..] Bouc émissaire des frustrations françaises, le libéral est systématiquement voué aux gémonies et accusé des pires maux.
Il n’y a plus aujourd’hui que diverses façons de pratiquer le capitalisme, avec plus ou moins de marché, de propriété privée, d’impôts et de redistribution. Aussi la correction des vices de fonctionnement du libéralisme ne saurait-elle venir que du libéralisme même.
La grande parade – Essai sur la survie de l’utopie socialiste,
jean-François Revel, éd. Plon, 2000, p. 46
Le libéralisme n’a jamais été une idéologie, j’entends n’est pas une théorie se fondant sur des concepts antérieurs à toute expérience, ni un dogme invariable et indépendant du cours des choses ou des résultats de l’action. Ce n’est qu’un ensemble d’observations, portant sur des faits qui se sont déjà produits.
La grande parade – Essai sur la survie de l’utopie socialiste,
Jean-François Revel, éd. Plon, 2000, p. 63
On a réinventé la jungle, avec du béton de l'acier et des ordures. Plus nous nous modernisons, plus nous nous rapprochons de l'âge de pierre.
Orgasmachine,
Ian Watson (trad. Michel Pétris), éd. Chute libre, 1976, p. 117
Dans l'optique optimiste, même un aveugle peut s'apercevoir que le Système est mort. L'expérience avec ses dogmes abstraits de multiculturalisme et de progrès économique a échoué. Tant en Europe qu'aux Etats-Unis, on voit chaque jour que l'expérience libérale a touché à sa fin il y a bien longtemps. Il y a suffisamment de preuves empiriques pour nous démontrer ce fait. On n'a qu'à choisir le plus visible et le plus audible. Il est caractéristique de la classe politique moribonde de vanter la "perfectibilité", l'"éternité", et la "véracité" de son Système - précisément au moment où son Système est en train de s'écrouler. Ces vœux pieux et d'auto-satisfaction, on a pu les observer tant et tant de fois dans l'histoire. Même les notions de la classe dirigeante actuelle portant sur la fin des temps et la "fin de l'Histoire" nous rappellent la mentalité de la classe politique des anciens pays communistes, en l'occurrence la Yougoslavie peu avant son effondrement. En 1990, il y avait encore de grands défilés proyougoslaves et pro-communistes en Yougoslavie où les politiciens locaux se vantaient de l'indestructibilité du Système yougoslave. Quelques mois plus tard, la guerre commença - et le Système mourut.